J. dit qu'il faudrait aller dans des endroits nouveaux, des parties du monde inconnues, par exemple. Sinon on ne peut rien découvrir.
Moi je dis : Faux !
La preuve : je suis dans Mon immeuble, là où j'habite, et je n'arrête pas de faire des découvertes. Des découvertes que j'écris dans mon carnet d'expl. ! Donc mon voyage d'exploration existe. Pour de vrai.
- Ah! Tu remues trop..., bougonna le loup. Facile à dire. Ce sont des adultes. Ils ont oublié.
- Oublié quoi? poursuivit Zackarina.
- Que le corps tout entier gambille et frétille quand on grandit, comme une poêlée de pop-corn! Toi et moi le savons très bien, et n'importe quelle petite grenouille aussi. Mais les adultes ne grandissent plus, ils oublient ce que ça fait!
Il se leva d'un bond et sautilla sur la plage, en entonnant cette chanson d'une voix éraillée:
- Comment rester sage et tranquille
Quand tout le corps fourmille!
Comment rester tranquille et sage,
Quand les jambes aiment le tapage!
![](/couv/sm_cvt_Le-loup-des-sables_6646.jpg)
- [...] Vous étiez partis faire du vélo et dormir sous la tente et je n'ai même pas eu le droit de venir!
- Mais c'était avant que tu sois là! expliqua son papa.
Avant qu'elle soit là? Zackarina observa plus attentivement la photo. Une tente, deux vélos. La forêt, le ciel et la pluie. Deux personnes heureuses, sans Zackarina, qui n'existait pas encore...
"Je n'étais nulle part", songea-t-elle, et elle se sentit incroyablement seule.
[...]
"Mais non, ce n'est pas possible", se reprit-elle. Ça semblait si triste et décevant de ne pas exister, puis soudain de se trouver dans le ventre de sa maman, de naître et de devenir enfin un bébé.
Un volcan peut-être? Une pierre?
"Non, pas moi, se dit-elle. Pas une pierre..."
[...]
J'étais le vent, pensa-t-elle. Le vent dans le ciel a soufflé sur la pluie, et la pluie est tombée pendant des centaines de jours, et tous les gens étaient fâchés car ils étaient trempés jusqu'aux os. Mais, dans une tente sous la pluie, deux personnes étaient heureuses. C'est comme ça que j'ai trouvé maman, et que maman m'a trouvée, puis ensemble nous avons trouvé papa."
- Et voilà comment je suis devenue ce que je suis, conclut Zackarina, songeuse.
- Comment?
- La photo dans la tente sous la pluie.
- Je l'aime bien, cette photo, souffla rêveusement son papa.
- Moi aussi, dit Zackarina."
- Comment, on n'a pas le droit d'inventer d'histoires ? la coupa le loup en se réveillant.
- Non, parce qu'il faut toujours dire ce qui se passe vraiment, expliqua Zackarina. Il faut dire la réalité.
Le loup leva les yeux et vit les oiseaux regroupés voleter de façon désordonnée.
- La réalité, reprit-il. Quel étrange et vaste endroit. Il s'y passe absolument tout.
Ah... râler, jacasser, soupira le loup en fermant les yeux. C'est une façon de parler complètement détraquée. On pense que ce sont les mots qui ne fonctionnent pas, alors que, bien souvent, le défaut se situe dans les oreilles.
Mon voyage d'exploration personnel de la cave jusqu'au grenier de l'immeuble le plus bleu de toute la rue des Trompettes au cours duquel j'ai découvert...
Depuis ce soir-là, elle pensait presque tout le temps à l’univers. Pas trop pendant la journée, car elle avait beaucoup de choses à faire. Mais, ce jour-là, le ciel était bleu comme un plafond. Un plafond normal, qui était juste anormalement haut. A la fin de la journée, le plafond bleu avait disparu, laissant peu à peu place à l’univers noir.
(...) si l'on est perdu, on est presque toujours recherché.