Avec Rim Battal, Vanille Bouyagui, Jacques Darras, Guillaume Decourt, Chloé Delaume, Arthur H, Paloma Hermina Hidalgo, Abellatif Laâbi, Christophe Manon, Virginie Poitrasson, Jean Portante, Omar Youssef Souleimane, Milène Tournier
Accompagnés par Lola Malique (violoncelle) et Pierre Demange (percussions)
Cette anthologie du Printemps des Poètes 2024 rassemble 116 poètes contemporains et des textes pour la plupart inédits. Tous partagent notre quotidien autour de la thématique de la grâce. Leurs écrits sont d'une diversité et d'une richesse stimulantes. Ils offrent un large panorama de la poésie francophone de notre époque.
Pour en donner un aperçu ce soir, douze poètes en lecture, accompagnés de musique.
À lire Ces instants de grâce dans l'éternité, Anthologie de poésie réunie et présentée par Jean-Yves Reuzeau, Castor Astral, 2024.
+ Lire la suite
La musique est l’art de l’espace. Littéralement, le flux sonore ouvre l’espace, le déflore, le densifie ou l’allège. Organiser les sons est le moyen que les humains utilisent pour nettoyer l’air, rendre sa surface intime et fluide, pour mieux faire voyager les idées, les émotions, les intuitions. La musique est une image de l’espace intérieur de l’homme : elle l’agrandit, le purifie, donne une direction à son énergie ; elle le prépare ainsi à recevoir et échanger de nouvelles informations. C’est une brise légère qui chasse les humeurs fétides, nettoie le corps subtil. En plus du plaisir intense qu’elle procure, elle participe à la santé globale de la personne qui s’abandonne à elle. Être plus réceptif, plus disponible, plus dynamique, c’est être potentiellement plus libre. L’art de la fugue est l’art de la liberté.
Quand la musique accompagnée du timbre d'une voix emmène si loin dans l'émotion, les mots n'ont plus leur place...
Ici: https://www.youtube.com/watch?v=rTcTRjS0KIo&ab_channel=ArthurH
Nancy si tu savais comme la mer est belle ce soir
Quand la lune s'est levée j'ai cru t’apercevoir
Sur le sentier
L'étoile filante s'est sauvée hors de tout regards
Les yeux fermés j'ai brodé
Les fils d'or de ton corps
La nuit a divulgué tes audaces dissimulées
La nuit a désarmé mes rêves les mieux gardés
Nancy si tu savais comme la mer est belle ce soir
Quand la lune s'est levée j'ai cru t’apercevoir
Au loin danser
Nancy c'est lent
C'est lancinant Nancy
Nancy seul c'est lent
Si lancinant Nancy
Tu as déjà mis ta robe blanche
Et ton visage resplendit
Allongée comme évanouie
J'imagine que tu souris
Comme dit Rimbaud un peu poète
L’éternité quoi est retrouvée
Ho bel Arthur Le supplice est sur
Nancy s'en est allée
Au loin danser
Nancy c'est lent
C'est lancinant Nancy
Nancy seul c'est lent
Si lancinant....Nancy
Regardez-la danser
Quand elle s’approche du ring
La boxeuse amoureuse
Sur ses gants dorés,
Des traces de sang
De larmes et de sueur,
Et de sang, et de sang
Elle esquive les coups
La boxeuse amoureuse
Elle absorbe tout
La boxeuse amoureuse
Boum boum les uppercuts
Percutent son visage
Mais jamais elle ne cesse
De danser, de danser
Tomber ce n'est rien
Puisqu'elle se relève
Un sourire sur les lèvres
Arthur H, extrait de "La Boxeuse Amoureuse", album "Amour Chien Fou", 2018.
La musique m’hypnotise, je l’entends comme je ne l’ai jamais entendue, elle est précise, géométrique, ancienne. Du coup, je décolle un peu plus. On me sert un rhum de Basse-Terre et du feu coule en moi, j’avale un dragon. J’observe les mouvements de cette symphonie parfaite, j’admire les corps des hommes et des femmes qui se déplacent dans cet espace mouvant. Mais je suis incapable d’interagir : la drogue n’abolit pas ma timidité. Le mélange de l’alcool et des champignons provoque un obscurcissement progressif de la conscience, la richesse des impressions migre vers la confusion des émotions. Je m’absorbe trop dans le paysage féérique, je m’y noie. Titubant et m’agrippant au hasard des choses qui tombent sous ma main, je regagne ma couche et m’endors tout habillé, la cervelle au grand large, emporté dans ma propre tempête neuronale.
J'étudie la vie de Bach aussi. C'est une vie impénétrable, on ne sait presque rien de lui, si ce n'est qu'il a été habité par une extravagante puissance vitale capable d'absorber toutes les épreuves et tous les chagrins.
Nous sommes partis dans la forêt
Guidés dans un sentier de lumière
Par les oiseaux et par le vent
On a découvert une clairière
A flanc de colline, face au soleil
On s'est allongés dans l'herbe
On a fermé les yeux
Mais juste avant de s'endormir
Elles sont apparues
Des femmes, dansantes, blanches
Des étincelles, vives, nombreuses
Une espèce d'enchantement
Je respirais l'ombre de leur parfum
Le vertige du printemps
Tu savais que beaucoup de femmes
Ont une âme de guérisseuse
Elles ont posé leurs mains sur nous
On a tout de suite senti une chaleur se répandre
Dans tout le corps
Un courant d'énergie pure
Agissait à l'intérieur
Ce qui était obscurci s'éclaircissait
Ce qui était cadenassé se déverrouillait
Après tout a changé, on était
Vif, léger, ouvert, lumineux
Alors elles ont commencé à nous parler
C'était en quelque sorte
Toutes les femmes qu'on avait aimées
Mère, filles, amantes, légitimes, illégitimes
Sœurs, amies, grand-mères, arrière grand-mères
C'était l'heure des secrets
Des solitudes, des abandons
Regrets, absences, trahisons
Mais aussi des joies, des fous rires
Des extases et de l'amour absolu
Après cette confession étrange
Le silence nous a pris
On a embrassé virtuellement
Toutes nos femmes merveilleuses
L'atmosphère était saturée de plaisir
Elles ont virevolté une dernière fois
Autour de nous et ont disparu
Et sans dire un mot
On est partis chacun de notre côté
Il y avait tout à faire
A rêver, à construire
Mais maintenant c'était plus facile
Elles étaient là, avec nous.
Extraits de L'ivresse des hauteurs.
Paroles et musique Arthur H,
En duo avec Jean-Louis Trintignant.
Album Baba Love, 2011.
Dans les prairies, j'étais sauvage
Ma vitesse c'est l'infini
Ma colère c'est la tornade
Quelque chose dans le vent
Me dit qu'il est temps
Oh mon rêve je t'ai trouvé
Prêt de la falaise réfugié
Jusqu'à la source on s'est hissé
L'amour nous a désaltérés
Quelque chose dans le vent
Me dit qu'il est temps
Alors on a rejoint les autres
Nous les vifs indomptables
Chevaux de vent, chevaux de feu
La chevauchée fantastique
N'a pas de début et n'a pas de fin
Quelque chose dans le vent
Me dit qu'il est temps
Arthur H, Cheval de Feu, album Baba Love, 2011
L’élixir sacré de cette cérémonie était le pastis. Il coulait à flots dans tous les verres mais son parfum anisé écœurait Nicole et elle était la seule à consommer du cap-corse, un mélange amer de vin, de plantes aromatiques, d’écorce d’orange et de quinquina. Elle sirotait sa liqueur avec une paille parfois assise sur le bar, en observant et appréciant l’étrange comédie humaine. A l’heure de la fermeture, des ombres titubaient dans les ruelles pour regagner le domicile conjugal, où les épouses, comme tous les soirs, s’étaient assoupies dans une attente toujours déçue. La nuit corse était exquise, fraîche et parfumée. Seules la lune ou les étoiles éclairaient les épaisses maisons de pierre, il n’y avait pas de réverbères, pas d’électricité […] Dans leur délicieux nuage d’ivresse, tout semblait mystérieux et beau.
[...] un acte qui transforme la vie ne peut être que solitaire, on doit fatalement s'isoler pour être soi-même.
Je te respire
Je te bouche
Je te palais je te dent je te griffe
Je te vulve je te paupières
Je te haleine
Je t’aime
Je te sang je te cou
Je te mollets je te certitude
Je te joues et te veines
Je te mains
Je te sueur
Je te langue
Je te nuque
Je te navigue
Je t’ombre je te corps et te fantôme
Je te rétine dans mon souffle
Tu t’iris
Je t’écris
Tu me penses