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Citation de joellebooks


Incipit :
Il faut bien raconter les histoires.
Il faut bien raconter les histoires.
Il faut bien raconter les histoires.

Les creuser jusqu’à la moelle.

Avant tout était rouge. La maison était rouge. Le souvenir de la maison était rouge. Une maison avec une cave, avec un escalier aux marches branlantes, avec ses souris, son jardin et son cerisier. Rouges, tous rouges. Dans chaque pièce une confidence, dans chaque recoin un secret chuchoté parce que les murs ont des oreilles.
La maison était rouge. Tu as tout repeint : les chaises, les tables, le canapé, la bibliothèque. Même le jardin tu l’as repeint. En bleu. Il fallait tout repeindre. L’horloge tournait. Tic-tac, tic-tac, BLEU. Bleus. Il faut que les murs soient bleus. Tu as lavé à grand bleu toute la maison que tu aimais tant et qui a disparu. Tu as peint en bleu les empreintes et les ombres des personnes qui vivaient dans cette maison. Il ne reste que ce carreau ocre au milieu de la cuisine qui ne veut pas se plier à la dictature bleutée. Tu frottes depuis des heures et la tache ne disparaît pas. Tic-tac tic-tac… Trente… vingt-neuf… Frotte frotte tu sais qu’il faut que tout redevienne bleu ! Le rouge de la maison est trop violent, le bleu c’est mieux, plus doux. Quatre-vingt-quinze pour cent de la population mondiale considère que sa couleur préférée est le bleu, tu te souviens, tu as lu ça quelque part, il y a longtemps. Le bleu est la couleur du passé, du commun et de l’acceptation. Tout doit devenir bleu. Tu dois tout accepter. Peins ta honte en bleu, peins tes amours déçues en bleu. Peins en bleu tes balbutiements et ta gêne. La tension en bleu. Peins les mauvais souvenirs en bleu au lieu de te mordre la joue, de te pincer les lèvres ou de laisser s’évader un petit bruit d’énervement quand ils ressurgissent brusquement. Peins tes yeux en bleu quand tu vois rouge. Pense bleu. Parle bleu. Ris bleu.
Le carreau ocre parle. « Tu viens d’où ? », suivie de la caresse d’un inconnu sur tes cheveux. Parle bleu. « Ah, ça explique pourquoi t’as les cheveux frisés. » Ris bleu. « C’est drôle parce que pourtant t’as les yeux bleus. » Parle bleu. Le corps se rapproche, il se colle, tu le sens qui se presse contre toi. Son souffle trop près, le filet de sa voix qui s’infiltre dans tes oreilles. Il dit quelque chose sur le métissage, sur les courbes de ton corps, sur son excitation qui grandit. Pense bleu, souris bleu et tais-toi ! 
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