Elle saisit l’âme. Elle a un don prodigieux. Elle a un talent énergique. Elle est l’une des artistes les plus originales de l’école française. Elle a montré une Valse nerveusement entraînante. Elle a réalisé une admirable composition de trois petites femmes. Elle a modelé un buste vigoureux. Elle comprend le sens silencieux de la matière. Elle y fouille avec violence. Elle y trouve d’éblouissantes figures. Elles sont tourmentées. Elles sont rugueuses. Elles sont crispées. Elles sont crispantes. Elles sont fiévreuses. Elles sont frémissantes. Elles sont vivantes. Elles ne ressemblent à rien d’autre. Elle porte en elle ses créatures passionnées.
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( à propos de Camille Claudel…)
Ces animaux sont si petits
Ces animaux sont si petits
si proches du néant
pourtant certains mesurent plus de trente pieds
et aucune autre bestiole n’a davantage de pattes.
Ils ont une voix terrible
et proportionnellement si forte
des ailes si finement attachées
des pattes allongées
des dents acérées propres à se ficher en tout
des dards affutés pour qu’ils perforent les peaux
à la fois pointus pour piquer
et tubuleux pour aspirer.
Elle a de longs cheveux noirs. Elle est vêtue d'une robe de Tehuana rouge. Elle tient Diego dans ses bras. Elle protège sa nudité. Elle est enlacée par la déesse Terre. Elle est verte. Elle est marron. Elle est la jungle. Elle est le désert. Elle est humide. Elle est sèche. Elle est la lune. Elle est le soleil. Elle est noire. Elle est blanche. Elle est une montagne. Elle porte une longue chevelure. Elle est formée de cactus. Elle est ceinte de racines végétales. Elle montre sa poitrine. Elle est fendue par un ruisseau. Elle perle d'une goutte de lait. Elle tient l'univers dans ses bras. Elle soutient Xólotl blotti sur son poignet. Elle flotte dans les airs. Elle achève la peinture. Elle l'intitule L'Etreinte amoureuse.
Je me suis promené sur la terre
Je me suis promené sur la terre
celle sous le cercle du ciel
qui se soutient et se maintient elle-même
au milieu des soleils et des lunes
entourée d’une multitude de corps célestes.
Elle est occupée à sa rotation perpétuelle
tournant sans repos à une vitesse indicible
glissant silencieuse de jour comme de nuit
sans que personne ne l’entende rouler
et sans connaître ni début ni fin.
Le soleil, régulateur de mondes innombrables
gouverneur des saisons
qui dissipe la tristesse et écarte les nuages de l’âme
l’affirme matin et soir sans arrêt.
Renfermée entre ses deux pôles
elle revêt la forme d’un globe admirable
son tracé tient dans une circonférence
certes irrégulière, comme une pomme de pin
mais néanmoins habitée en tout point
car elle inclut une multitude de vivants entrelacés
des pesants, d’autres légers
qui tous s’appuient sur elle
et qu’en retour elle supporte
ceux-là pour ne pas qu’ils s’envolent
ceux-ci afin qu’ils ne tombent pas
chacun animé par son souffle, son feu et son eau.
J'ai entendu le premier coup de feu. J'ai vu le Président se pencher sur le côté, vers elle, et se tenir la poitrine. Pendant un instant, je n'ai pas réalisé, j'ai pensé qu'il faisait une blague, vous savez, quand vous entendez un bruit et que vous faites : « Ah, tu m'as eu ! ».
Avant que je reprenne mes esprits, j'ai entendu le second coup de feu et j'ai vu sa tête exploser et le sang jaillir, et j'ai... J'étais bouleversé.
J'ai commencé à crier : « Ils l'ont tué, ils l'ont tué. »
J'ai continué à filmer, je ne sais même pas comment j'ai fait.
J’ai traversé de nombreux pays
J’ai traversé de nombreux pays
des pays en forme de feuille de chêne
beaucoup plus longs que larges
ou en forme de feuille de platane
de botte, de semelle de soulier, d’arc
et même à l’aspect de triangle.
J’ai franchis des contrées bien exposées
exemptes de tout souffle nuisible
car parcourues de brises légères
au climat perpétuellement salubre
d’une température heureuse, favorable à la vie.
Elles étaient pleines de lieux ombreux
de forêts remplies d’arbres odoriférants
de bocages affranchis des influences néfastes
des fleuves abondants qui les arrose tout entière
aussi aspergées de sources jaillissantes chaudes.
Elles étaient recouvertes de campagnes fécondes
riches en fruits de toute espèce
fertiles en grain, en vin, en huile
provinces fortunées aux coteaux chargés de vigne
à la végétation variée
ou la moisson y tombe sous la herse.
Elles débordaient de mines plomb noir et blanc
de cuivre, de fer et d’argent
de carrières de pierres précieuses
de marbre à motif d’écaille de tortue
avec de l’or à profusion
à l’état de pépite ou de paillettes
des veines aurifères courant à fleur de terre
et même d’arsenic et de minimum rouge orangé.
Je contemplais la rayonnante Mercure
Je contemplais la rayonnante Mercure
quand je distinguai volant dans son sillage
un groupe de grues criant leur « kroo » si singulier.
Les échassiers bavardaient en plein ciel
pour savoir quand ils devaient partir
et quel chef conduirait la colonne
enguirlandant le dernier arrivé.
Ils semblaient connaître leurs noms
et s’appelaient par leurs surnoms.
Je tendis une oreille curieuse
et je perçus au loin comme un murmure.
J’écartai de la main un buisson épais
et qu’elle ne fut pas ma surprise
de voir un coq et un chien deviser ensemble.
Ils avaient l’air de très bien s’entendre.
Mes yeux s’habituaient peu à peu à la pénombre
je devinai autour d’eux des complices
toute une ménagerie s’activait
un oiseau imitait le mugissement des vaches
un autre simulait le hennissement des chevaux
un serpent aboyait
des porcs couraient affolés en tous sens
ils avaient reconnu la voix de leur gardien.
Elle se méfie des sociaux-démocrates. Elle ne leur fait pas confiance. Elle dîne. Elle se couche. Elle lit. Elle s’endort. Elle se réveille. Elle est le 8 novembre 1918. Elle est libérée. Elle est à Breslau. Elle est avec ses amis. Elle marche dans la rue. Elle est parmi la foule. Elle est enthousiaste. Elle est dans un nouveau pays. Elle est dans une nouvelle Allemagne. Elle n’a plus d’empereur. Elle est dans une république. Elle est dirigée par un socialiste. Elle est en paix.
Les matelots auront pu contracter le scorbut…
Extrait 1
Les matelots auront pu contracter le scorbut,
une fièvre pestilente ou maligne, sans doute un
paludisme pernicieux,
ou alors,
une fièvre continue, pourprée et pestilente,
ou alors,
une fièvre simple ou intermittente, la malaria,
due aux moustiques dans l'eau croupissante
du fond de cale,
ou alors,
une fièvre putride, telle la typhoïde ou plus souvent
le typhus, en raison des nombreux poux du corps
vivant de la malpropreté des hommes,
ou alors,
une fièvre éruptive, telle que la rougeole,
ou alors,
la variole,
ou alors,
la scarlatine,
ou alors,
une simple diarrhée,
ou alors,
une dysenterie alimentaire,
ou alors,
un « flux de sang », avec selles fréquentes,
glaireuses, sanguinolentes, accompagnées d'une
odeur insoutenable,
ou alors,
des maladies vénériennes, une gonococcie,
avec lésions ophtalmiques et rhumatologiques,
ou alors,
la syphilis.
…
Les matelots auront pu contracter le scorbut…
Extrait 2
Et malgré tous les efforts d'un médecin du bord
ayant inoculé coup sur coup aux malades
de la rhubarbe, des graines de lin, de moutarde et
de genièvre, de l'alun de roche, de l'ipecacuanha,
du vif-argent, du alap en rouelles, des fleurs
de pavot rouges, des aristoloches longues et
rondes, du gingembre, du safran oriental,
du réglisse en bâtons, de l'ellébore blanc,
du benjoin, de la salsepareille, du senné du Levant,
du tamarin, de l'ioès, de la racine de guimauve,
de l'écorce de quinquina et de gayac,
du semen-contra, de l'agaric, de la camomille,
des mouches cantharides, des plantes aromatiques,
du mélilot, de l’encens fin, des amandes douces,
des roses rouges, du camphre raffiné, de l’anis vert,
de l’antimoine cru, de la coriandre,
…