Rue de la Lune, deux corps se font face. Il y a Jeanne, l’épouse et Toussaint, son mari, une gueule cassée qui revient de quelques mois d’hospitalisation après avoir été blessé au front.
Ces deux corps se sont « manqués », l’absence laisse des traces et il est difficile de renouer avec des habitudes perdues. Surtout quand l’autre refuse toute communication. Toussaint se terre dans le silence, dans une solitude à laquelle Jeanne n’a pas d’accès. Elle reporte sa frustration sur sa petite fille qui souffre du retour de son père qui pour elle n’était jusqu’alors qu’une photographie.
Dans une écriture poétique à la syntaxe particulière, Angélique Villeneuve aborde le couple et les dégâts provoqués par les retours de guerre et les blessures occasionnées. Jeanne et Toussaint si complices avant le départ deviennent des étrangers, deux âmes qui n’osent plus se toucher ni se frôler.
Les cicatrices mettent du temps à guérir et on sent l’impatience, justifiée, de Jeanne qui ne rêve que de retrouver le Toussaint qu’elle aimait.
Mais Jeanne n’est pas la seule femme à souffrir et certaines n’ont pas la chance de voir revenir leurs époux ou leurs fils. Il ne reste parfois qu’à sombrer dans la folie pour tenter d’oublier l’absence.
La prose est délicate et j’ai senti que chaque mot était pesé et soigneusement pensé. Ce livre est une entrée intimiste dans le cœur d’un homme et d’une femme. Une lecture sensible et émouvante qui puise dans un registre poétique et imagé. A aucun moment, nous avons de descriptions précises sur le visage abîmé de Toussaint, mais grâce aux phrasés particuliers d’Angélique Villeneuve, nous ressentons ce que Jeanne a éprouvé.
C’est parfois difficile de mettre des mots sur un livre qui regorge de si beaux passages tant dans les phrases que dans les silences.
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