Citations de Andreas Eschbach (297)
(…) Cette obéissance là, elle t'est passée dans la chair et dans les os et, si après ta mort on s'avise de te découper en rondelles pour examiner tout ça, c'est sûrement de l'obéissance en cristaux qu'on trouvera à la place de la moelle.
L'univers est Dieu, et nous sommes ses rêves.
L'étroite ruelle dormait encore. Une légère nappe de brouillard matinal planait entre les pignons des toits, se mêlant à la fumée froide qui s'échappaient des cheminées où, au cours de la nuit, les feux s'étaient éteints ; lorsque les premiers rayons du soleil vinrent caresser les faîtes des petites maisons de guingois, tout apparut plongé dans une lumière intempestive, rêveuse et doucement vaporeuse. Par endroits, dans des coins sombres, des mendiants dormaient, couchés à même le sol telles des mottes de terre, enveloppés jusqu'à la tête dans des couvertures en lambeaux. Quelques rongeurs se frayaient difficilement un passage au milieu des ordures, suffisamment rassasiés pour contourner avec indulgence les dormeurs, et certains se risquèrent en fouinant jusqu'au mince filet d'eau qui gargouillait faiblement au milieu de la ruelle.
Soudain, ils se dispersèrent et regagnèrent précipitamment leurs repaires, comme tirés par des fils invisibles, effrayés par une forme emmitouflée qui, à bout de souffle, s'approchait d'un pas rapide et trébuchant, et se glissait d'ombre en ombre en se hâtant vers la maison d'Opur, le maître flutiste.
Selon une loi immuable, un tisseur n’a droit qu’à un seul fils, car le tapis d’un tisseur ne peut nourrir qu’une seule famille. » Ostvan désigna une vieille épée toute tachée qui pendait au mur. « Voilà ce dont ton grand-père s’est servi pour tuer mes deux frères le jour de leur naissance. »
Celui qui a le choix, endosse également une responsabilité.
Nœud après noeud, jour après jour, une vie durant, les mains de l’exécutant répétaient sans cesse les mêmes gestes, nouant et renouant sans cesse les fins cheveux, des cheveux si fins et si ténus que ses doigts finissaient immanquablement par trembler et ses yeux par faiblir de s’être si intensément concentrés – et pourtant, l’avancée de l’ouvrage était à peine perceptible ; une bonne journée de travail avait comme maigre fruit un nouveau fragment de tapis dont la taille approximative n’excédait pas celle d’un ongle. Mais, malgré tout, l’homme se tenait là, accroupi, courbé au-dessus du châssis de bois craquant sur lequel son père et le père de son père s’étaient penchés avant lui, avec sous les yeux le verre grossissant hérité de ses ancêtres et rendu presque opaque d’avoir tant servi, les bras appuyés sur une planche polie calée sous sa poitrine, et ne guidant l’aiguille qu’au seul bout de ses doigts.
(Incipit)
Nœud après nœud, jour après jour, une vie durant, les mains de l'exécutant répétaient sans cesse les mêmes gestes, nouant et renouant sans cesse les cheveux, des cheveux si fins et si tenus que ses doigts finissaient immanquablement par trembler et ses yeux par faiblir de s'être si intensément concentrés ; et pourtant, l'avancée de l'ouvrage était à peine perceptible ; une bonne journée de travail avait comme maigre fruit un nouveau fragment de tapis dont la taille n'excédait pas celle d'un ongle. Malgré tout, l'homme se tenait là, accroupi, courbé au-dessus du châssis de bois craquant sur lequel son père et le père de son père s'étaient penchés avant lui, avec sous les yeux le verre grossissant hérité de ses ancêtres et rendu presque opaque d'avoir tant servi, les bras appuyés sur une planche poli calée sous sa poitrine, et ne guidant l'aiguille qu'au seul bout de ses doigts.
L'art ne devient art, qu'à partir du moment où il touche d'autres personnes.
Mais Dieu était resté sourd à ses prières. Aujourd'hui, en y repensant, il ne pouvait s'empêcher de sourire. Il avait imité ses parents. Dieu était une instance vers laquelle on se tournait quand on n'y arrivait plus tout seul. Mais une instance qui ne pouvait rien pour vous.
Nulle part, dans cette galaxie abandonnée de Dieu, il ne paraissait y avoir de réponses ; seules les questions étaient infinies.
Nœud après nœud, jour après jour, une vie durant, les mains de l’exécutant répétaient sans cesse les mêmes gestes, nouant et renouant sans cesse les fins cheveux, des cheveux si fins et si ténus que ses doigts finissaient immanquablement par trembler et ses yeux par faiblir de s’être si intensément concentrés – et pourtant, l’avancée de l’ouvrage était à peine perceptible ; une bonne journée de travail avait comme maigre fruit un nouveau fragment de tapis dont la taille approximative n’excédait pas celle d’un ongle.
(Incipit)
Le pouvoir est une promesse qui ne garde de valeur que tant que des obstacles vous empêchent de la réaliser.
Je reste souvent assis des heures ici, à contempler ce qui est en mon pouvoir, dit l’Empereur. Toutes ces étoiles et toutes leurs planètes sont à moi. Tout cet espace insaisissable est mon domaine. Là où s’exerce ma volonté et où ma parole fait loi. Mais le pouvoir, le véritable pouvoir, n’est jamais celui qui s’exerce sur les choses, fussent-elles des soleils ou des planètes. Seul compte le pouvoir que l’on a sur les hommes. Et le mien ne se limite pas à celui des armes et de la violence ; mon emprise s’étend aux cœurs et aux pensées des hommes. Des milliards, des centaines de milliards d’êtres humains vivent sur ces planètes, et ils m’appartiennent tous. Aucune journée ne s’écoule sans que chacun d’entre eux pense à moi. Ils me vénèrent, ils m’aiment ; je suis le centre de leur vie.
Les étoiles […] sont bien plus que l’endroit dont nous venons. C’est également là que nous serons appelés à retourner un jour.
La fureur et la peur battaient dans sa poitrine, et toutes deux lui donnaient des ailes. Combattre. Cela aussi, c’était combattre. Parfois, combattre, c’était courir, s’enfuir à toutes jambes devant un ennemi trop puissant et tout faire pour lui échapper.
(...) cette obéissance-là, elle t'est passée dans la chair et dans les os et si, après ta mort on s'avise de te découper en rondelles pour examiner tout ça, c'est sûrement de l'obéissance en cristaux qu'on trouvera à la place de la moelle.
« C’est vrai, concède-t-il. En plus, j’aime lire. Mais je me réserve le droit de choisir quoi. » Il attrape sur l’étagère un objet rectangulaire orange et me le colle en main. Alors seulement, je reconnais ce que c’est : un livre, imprimé sur du papier ! Comme on les faisait autrefois !
"Macbeth", annonce la jaquette, avec le sous-titre : "Clés d’interprétation – Niveau lycée".
« Wouah ! m’exclamé-je. Un authentique livre ancien. »
Pourquoi faut-il mourir ? Quel sens cela a-t-il ? Naître. Grandir. Que de peines, que de souffrances ! On apprend, encore et encore, on s'exerce, on s'entraîne, on tâche de comprendre, de s'y retrouver. On passe sa jeunesse à tenter de se déchiffrer soi-même, ne serait-ce qu'un minimum. Une fois dans le fleur de l'âge, on cherche à s'affirmer, Et, dès que l'on a un peu appris, un peu acquis, un peu compris de la vie, c'est déjà la fin, et tout ce qu'on a assimilé, expérimenté, vécu, saisi, tout cela disparaît sans laisser la moindre trace. Où est le sens là-dedans ? A quoi cela sert-il ?
Nous sommes au service de l'Empereur. Sa parole est notre loi. Sa volonté est nôtre. Sa colère est terrible. Il ne pardonne pas, il punit.
Etait-ce possible? Certes, venant de Dieu, rien n'est impossible. Pas même un voyage dans le temps. Peut-être cela faisait-il partie de son plan insondable : s'adresser aux hommes vivant à une époque pétrie de télévision en leur faisant don de cette cassette, en leur montrant leur Sauveur, afin de revigorer son Eglise et de ramener dans le chemin de la foi les brebis égarées.