Un réchaud mitonnait chaque jour la même soupe de légumes, un carillon égrenait un temps sans retour ni surprise et lorsque la cloche de Big-Ben lui signalait les demi-heures, il lui tardait de vivre pleinement les trente minutes qui suivaient.
Autour de la table, souvent après minuit, les idées allaient bon train, les projets prenaient forme, comme si ce lieu d’état-major était le cœur d’une assemblée aux convictions révolutionnaire prompte à mettre à mal, l’ordre établi et les institutions.
Cette femme il l’imaginait sous les traits simples et ordinaires d’une compagne sans fard, sans agressivité et sans chichi, un parfait laideron à la fois mère et compagne, une boniche assez forte et solide dans sa tête pour être encore vierge après plus de trente ans.
Mais ce souhait lui paraissait inaccessible faute de n’avoir connu à ce jour, qu’une nuit de folie, un examen de vieux garçons, où, pour faire taire la rumeur qui l’accablait d’un soupçon d’impuissance, il s’était accordé sur le dos d’une femme un plaisir manuel.
Sous la mollesse d'un président qui ronronne en conseil d'administration, De Saintonge cachait sous son cuir épilé des tares de qualité pour ceux qui prétendent qu'il n'y a rien de répréhensible à fréquenter les assidus des urinoirs, à proposer aux pénitents prostrés sur l’eau verdâtre qui aseptise le muret des vespasiennes, la « turlute d’un soir », et à ne relever la moindre anomalie dans le fait qu’une figure de proue de la jet société, un type sorti du giron d’une noble famille, soit partie prenante dans les intérêts d’un club prônant une religion aux règles très ambigües, où tout un chacun reçoit beaucoup plus qu’il ne donne avant d’en redistribuer la contrepartie. Si par le passé de tels penchants étaient considérés comme du vice, voilà qu’il s’agit d’une liberté d’expression et De Saintonge ne manque jamais d’exprimer la sienne par des détails vestimentaires très frou-frou et trois fois la semaine, sous le feu des UV.