« Il s'agit de mon livre le plus personnel. Ma vie peut sembler triste, mais j'ai lutté avec acharnement pour survivre et grandir dans cette région. »
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RÉSUMÉ :
Neuf récits composent "La frontière des oubliés" et retracent le parcours de l'écrivaine, depuis sa fuite, enfant, de la frontière afghane pour se bâtir une vie à Téhéran. Dans chacune de ces vignettes de vie qui se font écho, elle brosse le portrait de ses compatriotes exilés, des « frontaliers », souvent des femmes, qui portent tous des traces de la guerre, des plaies profondes marquées par des balles invisibles. À chaque rencontre, elle s'interroge sur la violence, l'exil et l'identité.
Et en s'imprégnant de son propre vécu, Aliyeh Ataei embrasse ici plus largement le sort de tous ceux qui ont hérité des « chromosomes-douleurs », se faisant l'écho de leurs voix si peu audibles.
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C’est à la condition des femmes que l’on mesure la santé d’une nation.
La guerre modifie l’équation de l’amour : ce sont deux lignes parallèles qui se suivent jusqu’à l’éternité sans jamais se croiser. Quand la guerre emporte celui que tu aimes c’est comme si la balle qui vient percer ton cœur ne s’arrêtait jamais.
C’est en nous que coule le sang de ce peuple. Qu’est-ce que cela change que l’on tue en ville ou dans les campagnes, lorsqu’un homme massacre son propre frère. Pendant que nous nous entretuons, les étrangers s’emparent de nos terres. C’est simple, nous nous massacrons et d’autres nous massacrent.
Des années plus tard, en fréquentant des Iraniens, j'ai compris ce qui nous différencie. Les Iraniens tiennent plus que tout à l'idée de la présence originelle. Ils s'évertuent à prouver que leur existence remonte aux origines de la Terre, qu'ils ont créé les premières civilisations. Où qu'ils soient, il faut qu'ils démontrent qu'ils ont été là avant tout le monde et qu'ils sont les habitants originels. Mais pour les Afghans, l'attachement à un lieu ne compte pas. Ce qui compte, c'est l'âme guerrière. C'est de montrer qu'on appartient à une tribu ou à un clan victorieux, même s'il faut pour cela dévorer les autres, ou se dévorer. Même quand nous appelons cela un jeu, nous faisons la guerre.
Une voix en moi m'a dicté d'écrire sur les personnages de La frontière des oubliés, sur les femmes qui furent tuées sans jamais effleurer la moindre liberté ni sécurité, sur les femmes qui perdirent la vie durant ces cinquante années de guerre et de tumulte en Afghanistan et à la frontière iranienne, qui n'avaient commis aucune faute hormis celle d'être prédéterminées géographiquement à naître dans une zone du monde où leur vie ne vaut quasiment rien.
Pour moi, il n'y avait pas de distance. Etait-ce parce que l'Iran est voisin de l'Afghanistan? Peut-être avais-je adopté l'Iran ou peut-être était-ce lui qui m'avait adoptée. En tout cas, je voyais l'exil comme un café amer dont l'amertume rassure, et l'exilé heureux comme celui qui se dissout dans son nouveau pays tel le sucre dans la tasse, lui apportant de la saveur.
Après quarante ans de guerre plus personne ne se soucie des causes du malheur; seul importe de sauver l'honneur.
J'ai peine à croire que les histoires racontées dans ces pages soient les miennes et que je puisse encore après tant d'infortunes trouver les mots pour dire au monde à quel point la guerre continue de nous meurtrir, de nous chasser, de nous anéantir. Les frontières nous blessent et les coupables de ces crimes restent impunis. Nous sommes ceux qui vivent et ceux qui vendent la frontière. Nous sommes tout cela.
Son corps, comme ses mots, est suspendu au-dessus de cet abîme, que la rhétorique de la géopolitique appelle la "frontière". (Atiq Rahimi)
Une femme n'est pas seulement une femme au Moyen-Orient ; c'est le pétrole même de la région, qui prend feu et qui enflamme. Jusqu'au jour où le pétrole circulera sous cette terre, elle brûlera de l'intérieur. Et les droits des femmes continueront à n'être que duperies pour tout obtenir sauf leur dignité et respect.