Citations de Alison Gaylin (39)
Suicide.
Qui aurait pu croire que cet homme puisse un jour se suicider ? Cet homme qui effectuait lui-même toutes ses cascades, était connu pour avoir marché sur des charbons ardents afin de se préparer à un rôle, qui avait lutté corps à corps avec un alligator pour un autre. Cet homme qui avait été torturé comme prisonnier pendant la guerre de Corée
Il savait que des choses très simples peuvent indiquer qu’un suspect ment (regarder en l’air et à gauche, par exemple), et comment soutirer des aveux si subtilement que celui-ci ne s’en rendrait compte qu’après coup.
Seulement, pour diriger un interrogatoire comme on le souhaite, il faut garder son calme chaque instant, ce qui est plus facile à dire qu’à faire quand votre suspect se trouve être la star de vos phobies d’enfance et qu’elle se tient debout devant vous, les deux poings serrés, en vous demandant comment vous aimez prendre votre café.
Rêvant de devenir actrice, Catherine était tout ce que Kelly Lund n’était pas : belle, vibrante, avec un charisme naturel assez puissant pour lui donner ses entrées dans le circuit des fêtes hollywoodiennes pour jeunes dès ses quatorze ans. Mais elle était aussi tourmentée, fragile ; le genre de fille qui ressentait tout un peu trop profondément et qui finit, malheureusement, par se laisser dépasser par ces sentiments.
C’est drôle comme le passé peut sembler proche, parfois – assez proche pour s’y accrocher et le laisser vous entraîner. Mais quand on le laisse faire…
Il se pencha et l’embrassa. Sa langue était molle et spongieuse. Ses lèvres étaient trop mouillées, et la fine moustache piquait le nez de Kelly. Il plongea sa langue dans sa bouche et la laissa ensuite posée là, sur celle de Kelly, visqueuse et inerte.
Mon premier baiser… Elle ne s’attendait pas à ce que ce soit ainsi. Un jour, Catherine lui avait dit que son premier baiser serait magique, et elle avait voulu y croire. Mais après tout, comment Kelly aurait-elle pu savoir ce que c’était, que cette magie ? Elle ferma les yeux et essaya de se détendre. Il ouvrit plus grand la bouche, mordant les joues de Kelly. Qu’est-ce qui était censé être agréable, là-dedans ? Il devait y avoir un truc.
Il n’y avait plus l’intensité habituelle dans ses yeux ; Kelly savait que cela était probablement dû aux médicaments, mais Bellamy donnait l’impression d’avoir été vidée de son esprit, comme si elle n’avait plus de raison valable de vivre maintenant que sa famille avait disparu, comme si elle errait désormais sans but dans l’existence, tel un fantôme cherchant le prochain rôle à habiter.
Tout finit par se savoir.
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Elle voulait parler à Kelly des hommes comme John McFadden et Sterling Marshall, du pouvoir qu’ils exerçaient sur des gens « simples » comme elle et comment, en tant que personne « simple », on n’avait d’autres choix que de garder leurs secrets et cautionner leurs mensonges. On pouvait ainsi gagner un peu d’argent, sauvegarder un soupçon de ce que l’on pouvait prendre pour un peu de dignité si l’on arrivait à se leurrer. Tout le monde croyait en ce système, à l’époque. C’étaient les règles du jeu. Elle voulait dire à Kelly que, si elle avait tué John McFadden, elle comprenait. Mais dans un cas comme dans l’autre, elle tenait à s’excuser pour le chemin sur lequel elle avait embarqué ses deux filles en s’installant à Hollywood.
Son pseudo était SkipToMyLou, la chanson préférée de Kelly quand elle était petite, même si Ruth doutait que sa fille s’en rappelle maintenant. Mais malgré tout, elle ne parvenait pas à utiliser sa messagerie. Sortir de la vie de Kelly était une chose, s’excuser pour tout le mal qu’elle lui avait fait, une autre. Elle ne savait même pas trop à qui se destinaient ces excuses : à Kelly ou à elle-même. « Il y a des choses qu’il vaut mieux ne pas dire. »
La vie est courte et tellement trompeuse, dit Kelly. La moitié de la mienne est passée et elle est truffée de mensonges. J’en ai assez d’espérer certaines choses. Je préférerais les savoir.
C’était curieux, la façon dont les souvenirs fonctionnaient. Comme ils pouvaient se tapir entre les lignes d’une vieille chanson et vous sauter soudain dessus, véritable embuscade tendue à vos pensées, vous laissant dévasté, vulnérable. Bon sang, ce que Vee et Bellamy pouvaient lui manquer !
Elle trouvait toujours angoissante la façon qu’il avait de l’espionner. Elle lui claquait la porte au nez, se plaignait à ses parents et tournait ses amis contre lui, le traitant de tous les noms. Mais Shane avait une raison de faire cela, la même qu’aujourd’hui. Il essayait de comprendre qui était vraiment Bellamy.
J’ai toujours pensé que la plus belle chose qu’on puisse offrir à un autre être humain, c’est de répondre honnêtement à toutes ses questions, et c’est ce que tu as fait pour moi. Tu es la seule personne à l’avoir fait. Mais moi, je n’ai jamais répondu aux tiennes. Tu ne m’en as jamais posé, je sais. Mais ne pas poser de questions ne signifie pas qu’on n’a pas besoin de réponses. Ça signifie juste qu’on est gentil.
Elle avait toujours été comme ça : à croire les répliques qu’elle prononçait, les rôles qu’elle jouait. Fille à papa, fille de toutes les fêtes, artiste respectée… Une actrice-née, comme leur père, toujours en représentation. Elle n’avait enseigné à Irvine que pendant un an, et pourtant, six ans plus tard, elle était toujours là, dans le logement que l’université lui avait trouvé, jouant à l’« artiste en résidence » parce qu’elle n’arrivait pas à se trouver un autre personnage.
Elle n’aurait pas touché à la cocaïne, au cannabis, aux champignons, aux amphétamines, aux acides. Elle n’aurait pas appris à se servir d’un pistolet, et ses notes n’auraient pas plongé au lycée, elle aurait toujours la moyenne. Elle n’aurait jamais rencontré Vee – Vee si parfait, qui avait pleuré dans ses bras cette nuit, sans que Kelly se rappelle pourquoi, mais elle savait que cela l’avait rendue profondément et immensément triste…
« Ils te rongent de l’intérieur. Tu peux essayer de les dégommer à coups d’alcool, mais c’est comme arroser une plante, ma petite. Le secret va encore grandir en toi, devenir plus fort. Des fois, tu peux avoir l’impression qu’il va te transpercer la peau. Ou te bouffer tout cru… »
Que les raisons importent peu. Même les faits. Que ce qui compte, c’est ce qu’ils pensent de vous – la presse, les jurés, le grand public. Tout dépend de l’histoire qu’ils ont envie d’entendre.
On dit que certains visages reflètent l’époque dans laquelle nous vivons ; dans son cas, dans son sourire à elle, cela me paraît particulièrement vrai. De tous les sourires qui ont marqué notre inconscient à travers le temps – ceux décrits dans les livres, qui vibrent sur celluloïd, rayonnant sur des photos de papier glacé ou sur la toile du peintre –, son sourire est le premier sourire de la mort. Alors que nous avançons, inquiets, dans l’avant-dernière décennie du vingtième siècle, ce sourire est le sourire de notre époque : un simple dévoilement de dents, aussi glaçant et incontournable qu’un champignon nucléaire.
À seize ans, elle était en hospice et tremblait et bavait maintenant comme une vieillarde impotente. Ce n’était sûrement pas vrai. Ce genre d’histoires ne l’était jamais, mais quand même. Quand même. En général, il n’y a pas de fumée sans feu, n’est-ce pas ?
Personne n’est parfait. Tout le monde a un tiroir quelque part, avec un truc caché dedans.
Seulement, dans ses rêveries aussi bien que dans la vie, Kelly ne s’était jamais sentie ainsi : démunie, impuissante, comme si le monde entier venait de se dérober sous ses pieds. Voilà trente ans qu’elle n’avait pas ressenti cela.