Citations de Alexis Brocas (33)
Si l’enfance est un fluide, une rivière chantante, alors l’adolescence se compose de ciment à prise rapide. Je l’ai vue se déverser sur Emma depuis ses 12 ans. Pour figer ma petite mousquetaire qui n’aimait rien tant que rire, se faire peur et passer de l’un à l’autre en un bloc de réticence figé depuis une heure sur la page 112 du « Père Goriot ». L’adolescence d’Emma se concentre dans sa moue, qui semble dire au monde. « Vous avez beau être bien décevant, vous n’ajouterez pas à ma déception ». Ou plutôt elle surgit dans le contraste entre cet air blasé et ses regards de mésange affolée, perdue hors de ses couloirs migratoires. Et aussi dans le mouvement de sa tresse manga attachée comme une balancelle entre ses oreilles.
Et si j’ai un programme parallèle à mémoire partagée en C +++ que je veux faire migrer sur l’infrastructure Hadhop ?
-Tu sais que sur Hadhop les hommes ne communiquent pas ? On t’a appris quoi à l » ESDI ? Passe sur Spark. Avec Apache ignite, t’auras une couche auras une couche partagée. Sinon tu viens au bowling vendredi ?- – Ouais. On t’invite le nouveau ?
-Tu as pas vu ? Il boit des menthe à l’eau, donc il aime pas le bowling.
- S’il n’aime pas le bowling il risque pas de nous griller dans les promos.
-Toute façon pour moi l’an prochain c’est le siège.
-C’est con que ce soit pas réversible. Je veux dire, si j’arrive devant toi dans le tableau des promos, je baiserai ta femme et c’est cool mais si je baise déjà ta femme, j’arriverai pas forcément devant toi dans le tableau.
Un seul candidat montre une application à la hauteur de la mienne : Brice. Il devient l’ami à côté duquel je m’assieds chaque matin, preuve que renvoyer des adultes à l’école les rend à leur sociabilité d’enfants.
Cette histoire a de multiples débuts. Pour moi, elle commence en 2003 : je suis marié, j’ai 31 ans et je regarde par la fenêtre le monde changer. Les voitures prennent des rondeurs de nuages comme pour circuler dans des tubes à air comprimé. Les costumes se cintrent à la taille ils épousent la sveltesse capitalistique à la mode et le rêve d’un corps social dégraissé. Les téléphones se changent en ordinateur, les ordinateurs en home cinéma, les films en jeux vidéos, les jeux vidéos en film, l’argent en abstraction, les licenciements en plan de sauvegarde de l’emploi. Le vingt et unième siècle sera robotique, virtuel et plus sauvagement libéral encore que le vingtième , proclament les experts. Comme ça les excite – et quelle peur on sent derrière.
- "Sur Terre, à l'époque, Elo divisait déjà l'humanité en trois groupes :
1) Les filles canons, c'est-à-dire celles qui lui ressemblaient.
2) Les filles moches, qui ressemblaient à qui vous savez.
3) Les mecs canons...
- Et les mecs pas canon ? grince le journaliste.
- Ceux-là ? Selon elle, ils ne méritaient pas d'exister; elle agissait donc comme s'ils n'existaient pas."
Ici, sur Terre, tout le monde s'en moquait. Les gens n'avaient pas le temps de s'intéresser aux rêves de leurs semblables, ils étaient trop occupés avec les leurs.
Personne ne comprendrait jamais ses rêves, même les gens dont c'était le métier.
J'ai gardé ça de Fani, je crois : ce côté raisonnable. Et peut-être aussi de mes parents, qui m'ont donné assez de liberté et fait assez confiance pour que je n'éprouve pas le besoin de m'affirmer par les excès, contrairement à mes copains.
En fait, la barrière est en nous, et elle est faite des débris de nos illusions.
Moi, je ne nous appellerais pas « traîtres ». Juste des gens qui ont trouvé tout seuls un sens à leur existence, qui lui ont donné une direction qui leur appartient, et qui ne leur a pas été imposée par l’une ou l’autre des puissances de l’Empire. Des gens libres, en somme.
Les plages se peuplaient, puis se surpeuplaient – heureusement, toutes n’étaient pas faciles d’accès, et c’était toujours une joie de se rendre à la plage couardaise des Brardes, en passant entre deux maisons, par un chemin que rien n’indiquait, et de s’étaler sur ses sables à peu près déserts pour regarder, juste en face, les foules se presser sur la plage de la Pergola.
Le management, cela consiste à appliquer sur des communautés humaines des théories fumeuses et non vérifiées censées les rendre plus productives. Une supercherie totale, je l'ai compris dès mes études. Ce qui fait un bon manager, c'est l'instinct. Celui qui permet d'évaluer les gens, de se glisser dans leur tête pour imaginer leur vie, et d'envisager comment, une fois rassemblés, ils pourraient s'entendre.
Les livres, ça protège de rien mais ça sauve de tout.
Une clé tourne dans la serrure. Le journaliste pousse la porte de l'épaule, pressé de nourrir ses poissons. Il suspend son imperméable au portemanteau, lui conférant l'apparence d'un perchoir pour fantômes av