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Citations de Albert Schweitzer (70)


La tendance descriptive apparaît déjà dans les œuvres des primitifs. Ce sont des tendances imitatives très naïves ; ils veulent reproduire le chant des oiseaux, le rire, les gémissements, le bruit d’une source ou d’une cascade ; bien plus : ils prétendent représenter des scènes entières, et aboutissent ainsi à des narrations musicales où les péripéties de la composition sont censées correspondre à celles d’un récit. C’est précisément dans les deux générations antérieures à Bach que nous voyons apparaître simultanément en Italie, en Allemagne et en France, cette musique descriptive rudimentaire. Ainsi, dans les morceaux caractéristiques de Froberger et des clavecinistes français, que Bach connaissait, dans les descriptions orchestrales des maîtres hambourgeois, les Keiser, les Mattheson et les Telemann, et surtout, dans les sonates bibliques de Kuhnau, qui sont comme l’expression classique de cette tendance. [2]
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Les peintres ne copient pas simplement la nature, mais ils la reproduisent pour nous faire partager la surprise et l’émotion qu’ils ont ressenties devant elle, en la voyant en poètes. Et ce qu’ils nous enseignent, qu’est-ce, sinon à voir partout la nature avec les yeux du poète ?

La musique descriptive est donc légitime puisque la peinture et la poésie sont comme les éléments inconscients, sans lesquels le langage des sons ne se concevrait pas. Il y a du peintre dans tout musicien. Écoutez-le parler, et cette seconde nature vous apparaîtra aussitôt. Pour exprimer l’idée la plus simple, les musiciens ne sauraient se passer d’avoir recours à des images et à des métaphores. Leur langage est une sorte de peinture en paroles ; d’où l’allure si originale, si pittoresque, souvent aussi, si bizarre et incohérente de leurs écrits. Rien de plus intéressant, à cet égard, que leurs lettres : elles montrent leur esprit sans cesse travaillé par des images visuelles.
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Tout art, nous enseigne la psychologie, manifeste des tendances « descriptives » en tant qu’il veut exprimer plus que ne lui permettent ses moyens propres d’expression. La peinture veut exprimer les sentiments du poète ; la poésie veut évoquer des visions plastiques ; la musique veut peindre et exprimer des idées. C’est comme si l’âme de « l’autre artiste » voulait parler, elle aussi. L’art pur n’est qu’une abstraction. Toute œuvre d’art, pour être comprise, doit suggérer une représentation complexe où s’amalgament et s’harmonisent des sensations de tout ordre. Celui qui, devant un tableau représentant un paysage de bruyère, n’entend pas la vague musique du bourdonnement des abeilles, ne sait pas voir, de même que celui pour lequel la musique n’évoque aucune vision, ne sait pas entendre. La logique de l’art, c’est la logique de l’association des idées, et l’impression artistique est d’autant plus forte, que la complexité des associations d’idées conscientes et subconscientes de l’artiste se communique, par l’entremise de son œuvre, d’une façon plus intense et plus complète. L’art, c’est la transmission des associations d’idées.
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C’est de cette coexistence des différents instincts artistiques dans une même personnalité qu’il faut partir, pour établir les rapports réciproques qui unissent les arts. Trop longtemps, l’on s’est complu, en esthétique, à formuler des définitions empruntées à la nature des différents arts et à échafauder sur cette base arbitraire théories et controverse. Il devait en résulter, le plus souvent, des axiomes et des jugements dont la solidité n’est qu’illusoire. Que n’a t-on dit et écrit sur la musique descriptive ! Pour les uns, elle n’est rien moins que la fin dernière de toute musique ; pour les autres, elle représente une dégénérescence de la musique pure, affirmations diamétralement contradictoires, qu’on ne saurait taxer de fausseté et qui, pourtant, n’enferment qu’une part de vérité. Comment résoudre l’antinomie ? En étudiant, dirons-nous, la question au point de vue de la psychologie et de l’histoire.
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Nietzsche était un musicien. Il s’essaya même dans la composition musicale et soumit ses ébauches à Wagner. Elles sont encore plus médiocres que les dessins de Goethe. Et cependant, à un moment donné, il se crut les talents d’un compositeur. Il les possédait en effet : c’est lui qui a créé le style symphonique dans la littérature. Sa façon de composer l’œuvre littéraire est celle d’un symphoniste ; étudiez à ce point de vue « Par de là le Bien et le Mal » et vous y trouverez jusqu’aux petites fugues qui interviennent dans les Symphonies de Beethoven. Lire une œuvre sans rythme était une souffrance pour lui. « Même nos bons musiciens écrivent mal, » s’écrie-t-il avec humeur. N’est-elle pas étrange cette affinité entre Nietzsche, le musicien parmi les penseurs et Wagner, le penseur parmi les musiciens ? Leur sort était de se rencontrer pour se séparer, de s’aimer pour se haïr. Et cependant, de tous les Wagnériens, Nietzsche est le seul qui ait compris l’âme du maître de Bayreuth, lui qui a trouvé pour caractériser l’esprit artistique de Wagner cette formule si vraie : « Wagner en tant que musicien doit être classé parmi les peintres, en tant que poète parmi les musiciens, en tant qu’artiste, dans un sens plus général, parmi les acteurs. »
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Est-il besoin de rappeler le cas classique de Taine, ce peintre de la littérature ? Gottfried Keller, l’auteur de « Romeo et Juliette au village, » avait également débuté par la peinture. Inversement, Böcklin est un poète fourvoyé parmi les peintres. Son imagination poétique le transporte dans les lointains mythologiques et évoque devant les yeux du peintre, sous forme de visions concrètes, ce monde des forces élémentaires rêvé par les poètes panthéistes. Qu’importent dès lors au poète les lignes et les couleurs ? La composition picturale, l’exactitude du dessin, il en fait bon marché ; l’essentiel pour lui, c’est, de plus en plus, d’exprimer des idées. Rien de plus significatif à cet égard que l’œuvre dernière de Böcklin, cette informe, mais si dramatique image de la Peste du musée de Bâle.
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Il devint donc poète tout en restant peintre : son œuvre se compose de portraits et de paysages. L’évocation visuelle, c’est là l’originalité et comme le secret de son talent narratif. Ses lettres de Suisse sont des esquisses de tableaux, et dans ses lettres d’Italie il se félicite « d’avoir eu de tout temps le don de voir le monde avec les yeux du peintre, dont les tableaux étaient présents à son esprit. » Dans ses promenades en gondole, Venise lui apparut comme une succession de tableaux de l’école Vénitienne. Ses personnages sont des portraits. Dans Faust, c’est lui-même qu’il peint. Toutes ces scènes idylliques, naïves, tragiques, burlesques, fantastiques, allégoriques de ce vaste drame, sont autant de toiles de fond sur lesquelles se détache le portrait de Goethe aux différents moments de sa vie. Il n’est pas jusqu’à la musique qu’il ne perçût sous forme visuelle : en entendant du Bach, il voyait des personnages raides dans leurs atours descendre un grand escalier à pas solennels.
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Schiller était musicien. En concevant ses œuvres, il avait des sensations auditives. Dans une lettre à Körner, du 25. Mai 1792, il s’exprime ainsi : « La musique d’une poésie est bien plus souvent présente à mon âme, quand je m’assieds à ma table pour l’écrire, que l’idée nette du contenu, sur lequel souvent je suis à peine d’accord avec moi-même »[1]. Goethe, lui, était peintre au point qu’il fut longtemps hanté par l’idée que sa vraie vocation était peut-être la peinture. Il étudiait le dessin avec obstination et souffrait de ne pouvoir rendre les choses telles qu’il les voyait. On sait comment, pour en finir avec ces incertitudes, il imagina, au cours d’un voyage à pied qui le ramenait de Wetzlar vers le Rhin, de consulter le sort pour décider de son avenir. « Je suivais, raconte-t-il dans Poésie et Vérité, la rive droite de la Lahn et voyais à quelque distance au-dessous de moi la rivière, dissimulée parfois par de riches saussaies, glisser aux rayons du soleil. Alors se réveilla en moi mon ancien désir de pouvoir peindre dignement de tels objets. Je tenais par hasard un beau couteau de poche dans ma main gauche ; et, à l’instant, j’entendis retentir au fond de mon âme l’ordre impérieux de lancer sur-le-champ ce couteau dans le fleuve. Si je le voyais tomber, mon vœu d’artiste serait exaucé ; si le plongeon du couteau était dissimulé par les branches qui surplombaient, il me fallait renoncer à mon souhait et à mes efforts. À peine conçue, cette fantaisie fut mise à exécution, car, sans avoir égard à l’utilité du couteau qui renfermait plusieurs pièces, je le lançai aussitôt de toute ma force, avec la main gauche, dans la rivière. Malheureusement, cette fois aussi, je dus éprouver la trompeuse ambiguité des oracles, dont les anciens déjà se plaignaient si fort. Le plongeon du couteau me fut caché par les derniers rameaux des saules, mais l’eau rejaillit sous le choc comme une puissante fontaine et me fut parfaitement visible. Je n’expliquai pas la chose à mon avantage et le doute qu’elle éveilla en mon esprit eut dans la suite cette fâcheuse conséquence, que je me livrai à l’étude du dessin d’une manière plus décousue et plus négligée, donnant ainsi moi-même à l’oracle l’occasion de s’accomplir. »
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Bach était un poète et ce poète était, en même temps, un peintre.

Ce n’est point là un paradoxe. Nous avons l’habitude de dénommer un artiste d’après les moyens dont il se sert pour traduire sa vie intérieure : musicien s’il emploie les sons, peintre s’il emploie les couleurs, poète s’il emploie les mots. Mais il faut bien convenir que ces catégories, établies d’après un critérium extérieur, sont fort arbitraires. L’âme de l’artiste est un tout complexe où se mélangent en proportions infiniment variables les dons du poète, du peintre, du musicien. Rien ne nous force à poser en principe que des procédés d’un certain ordre doivent toujours exprimer un rêve intérieur du même ordre, que, par exemple, on ne puisse, à l’aide des sons transcrire qu’un rêve de nature musicale. Il n’y a aucune impossibilité à concevoir un rêve de poète réalisé par les couleurs ou un rêve de musicien réalisé par les mots, et ainsi de suite. Les exemples de ces transpositions abondent.
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Maintenant nous devons nous résigner à ne plus nous sentir comme des frères aînés et à ne plus agir comme tels. D'après l'opinion qui prévaut aujourd'hui, l'avènement de l'ère du progrès ne peut se faire qu'à condition que le frère cadet sait considérer comme majeur et capable de discernement, au même titre que le frère aîné, et que les indigènes prennent de plus en plus les destinées de leur pays en mains.
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