Je revoyais la tombe d'Antonio Machado, à l’entré du petit cimetière de Collioure. Quelques vers sur une pierre peinte en bleu caminente no hay camino todo pas y todo queda, les bouquets de fleurs séchées, les messages sur des morceaux de papier nous n’oublions pas et de l'autre côté de la frontière, face a la mer Walter Benjamin seul, rayonnant d'un soleil aveugle sous poids du ciel le regard tourné vers le passé y cherchant il étincelle de l’espérance.
![](/couv/cvt_Assia_7001.jpg)
Rue Saint Maur à Paris, le 25 juin 1848. Un photographe connu sous le nom de Thibault installe son appareil sur un toit de Ménilmontant et prend deux photographies. Ces deux clichés sont uniques, avec daguerréotype il n'y a pas de copie possible. Le premier montre les barricades désertes, le second des soldats qui patrouillent dans la rue au milieu des badauds. Le prolétariat est vaincu, les combats qui ont opposé l'armée aux insurgés ont fait plus de 3000 morts. Désormais ce sera le règne des banquiers. Les feux d'artifice de Lamartine sont devenus les fusées incendiaires de Cavaignac. Lamartine, le pisseur d’eau claire et son éloge du drapeau tricolore, le saule pleureur de la patrie, l’énamouré du lac, le branleur solitaire adoré des phtisiques. Les insurgés de juin n’ont pas de visage, ils sont les spectres les fantômes d'une histoire que les vainqueurs se sont acharnés à faire disparaître. Mais les fantômes reviennent leurs yeux sont des trous au fond des tranchées, leurs mains des buissons d’épines brûlantes, ils se lèvent, se redressent, s'avancent vers la dalle du temps et la soulèvent. Une gerbe d'étincelle arrache des lambeaux de feuilles aux arbres, une haie ondoyante traversée d’haleines furieuses atteint l’horizon et s’y étend comme une coulée de lave.
Dans un éclair aveuglant la vie insurgée avait ouvert une brèche dans le temps de l'oppression, et nous étions, ensemble, au cœur de cette brèche. Jamais je n'avais à ce point senti qu'il ne pouvait y avoir de bonheur en dehors de cette fraternité, et qu'elle était bien ce que le pouvoir, ses larbins et ses chiens de garde, ses intellectuels recuits et ses primitifs corrompus, haïssaient le plus.
Maintenant ta vie dépendait de décisions prises par des ministres au teint gris, aux costumes raides, aux visages flasques comme des serpillières, dont les discours formaient une pâte gluante qui collait aux oreilles et tournait en boucle dans les médias.
La révolution espagnole les miliciens anarchistes brandissant leurs armes sur les camions les drapeaux rouge et noir, les mêmes dans le cortège de tête nous servaient de repères nous formions une houle furieuse qui tenait la mort à distance.