Citations de Ahmadou Kourouma (285)
Soudain une puanteur comme l'approche de l'anus d'une civette : Balla le vieil affranchi était là. Gros et gras, emballé dans une cotte de chasseur avec des débordements comme une reine termite.
Du Togobala de son enfance, du Togobala qu'il avait dans le coeur il ne restait même plus la dernière pestilence du dernier pet.
Que se dilue comme la goutte de larme dans le grand fleuve le mauvais sort dans le vent qui souffle, s'éloigne et meurt.
_ Assois tes fesses et ferme la bouche ! Nos oreilles sont fatiguées d'entendre tes paroles !
Maman hurlait comme l'hyène dont les pattes sont coincées dans les dents d'un gros piège à loup.
Un multiplicateur de billets est un marabout à qui on donne une petite poignée d'argent un jour et qui, un autre jour, te rembourse avec plein de billets CFA ou même des dollars américains.
Si tu vois une chèvre dans le repaire d'un lion, aie peur d'elle.
Faforo (cul, bangala de mon père) ! Gnamokodé (putain de ma mère) !
Quand, au moment de la séparation entre deux individus, personne ne ressent de regret, la séparation est arrivée trop tard.
Le Ghana est un pays près de la Côte d'Ivoire où on joue bien le football et où on parle aussi le pidgin comme anglais.
Au Ghana, il y avait plein de marchandises beaucoup moins chères qu'à Abidjan. En bien mouillant les barbes des douaniers des frontières, il a fait entrer ses marchandises en Côte d'Ivoire sans payer les droits et a pu les vendre au plus fort avec des gros bénéfices.
Mon école n'est pas arrivée très loin; j'ai coupé cours élémentaire deux.
J'ai quitté le banc parce que tout le monde a dit que l'école ne vaut plus rien, même pas le pet d'une vieille grand-mère.
L'école ne vaut pas le pet de la grand-mère parce que, même avec la licence de l'université, on n'est pas fichu d'être infirmier ou instituteur dans une des républiques bananières corrompues de l'Afrique francocphone.
(République bananière signifie apparemment démocratique, en fait régie par des intérêts privés, la corruption).
Mais fréquenter jusqu'à cours élémentaire deux n'est pas forcément autonome et mirifique.
Grand-mère a dit que mon père est mort malgré tout le bien qu’il faisait sur la terre parce que personne ne connaîtra jamais les lois d’Allah et que le Tout-Puissant du ciel s’en fout, il fait ce qu’il veut, il n’est pas obligé de faire toujours juste tout ce qu’il décide de réaliser sur terre ici-bas. Ma maman est morte pour la raison que Allah l’a voulu. Le croyant musulman ne peut rien dire ou reprocher à Allah, a dit l’imam.
Il y avait dans la case toutes les puanteurs. Le pet, la merde, le pipi, l’infection de l’ulcère, l’âcre de la fumée. Et les odeurs du guérisseur Balla. Mais moi je ne les sentais pas, ça ne me faisait pas vomir. Toutes les odeurs de ma maman et de Balla avaient du bon pour moi. J’en avais l’habitude. C’est dans ces odeurs que j’ai mieux mangé, mieux dormi. C’est ce qu’on appelle le milieu naturel dans lequel chaque espèce vit ; la case de maman avec ses
odeurs a été mon milieu naturel.
Il avait fait prévaloir que sa fonction méritait elle aussi une par. (Faire prévaloir, c'est faire remporter l'avantage.) Les dirigeants de la société ne voulurent pas l'entendre de cette oreille. Ils hésitaient; ils craignaient des représailles de la part des deux factions. (Représailles signifie, d'après le Petit Robert, mesures répressives infligées à un adversaire pour se venger du mal qu'il a causé.) Ils tergiversaient, tergiversaient. (Tergiverser signifie user de détours, hésiter pour retarder une décision.) Alors Johnson décida d'agir en garçon, un garçon ayant un bangala qui bande. (Agir en garçon, d'après l'Inventaire des particularités, c'est agir en courageux.)
Balla et grand-mère sont venus me prendre dans la brousse et m'ont ramené dans la maison. Ils m'ont demandé de refroidir le coeur (refroidir le coeur signifie apaiser mon sentiment de colère, de peine) et ont dit que maman n'était pas, ne pouvait pas être une sorcière. Parce qu'elle était musulmane. Les vieillards bambaras non musulmans étaient des fieffés menteurs.
Les dictateurs africains se comportent dans la réalité comme dans mon roman. Nombre de faits et d'événements que je rapporte sont vrais. Mais ils sont tellement impensables que les lecteurs les prennent pour des inventions romanesques.
(propos tenus à la sortie de "En attendant le vote des bêtes sauvages)
Tous les villages étaient abandonnés, c'est comme ça dans les guerres tribales : les gens abandonnent les villages où vivent les hommes pour se réfugier dans la forêt où vivent les bêtes sauvages. Les bêtes sauvages ça vit mieux que les hommes…
Les gars qui étaient sur la moto avaient cru que c'étaient des coupeurs de route. Ils ont tiré. Et voilà le gosse, l'enfant-soldat fauché, couché, mort, complètement mort. Walahé ! Faforo !
« La création de son parti unique et sa nomination comme président-fondateur et président à vie n’apportent qu’un éphémère moment de joie à Koyaga. » (p. 292)
« Maclédio est devenu votre pou à vous, Koyaga, perpétuellement collé à vous. Il reste votre caleçon œuvrant où vous êtes pour cacher vos parties honteuses. Cacher votre honte et votre déshonneur. Il ne vous a jamais plus quitté. Vous ne vous déplacerez jamais plus sans lui. » (p. 123)