Parce qu’il n’y a que ça : aller vers ces petites visions parfaites qu’il faut enfouir, nourrir à fonds perdu, pour rien, avec patience, sans jamais les revoir, reconnaissante de les avoir tenues, sûre que d’autres viendront à ma rencontre.
Inlassable, le ciel s'abat sur ses proies, il me saisit violemment aux cheveux, me quitte, s'en va plus loin. Je voudrais être la barque sur l'étang, détachée, emportée dans la houle, je voudrais me joindre aux courants du ciel et ne plus craindre la puissance du vent.
Mais il faut lui faire face avec cette force implacable du cheval de trait qui endure les torrents de pluie entre les yeux et les coups du maître. Lui faire face, humblement, tenir et avancer quand même, à quatre ou cinq à l'heure.
Je veux m'aguerrir, encore, jusqu'à l'épuisement. Pour rien, pour être quelque part dans ce paysage.
Pour la gloire de l'impuissance, pour retrouver la patience des branches qui ploient, des bêtes aux lourdes têtes inclinées qui attendent des heures plus douces, debout dans les champs clos.
Il me faut saisir l’exacte vélocité du corps et de l’esprit, celle qui abolit le réel et offre cette place dans le monde, d’ordinaire hors d’atteinte, impensable sans l’équilibre infiniment gradué de la fatigue et du plaisir.