En lien avec l'exposition «La France sous leurs yeux. 200 regards de photographes sur les années 2020», une table ronde réunit quatre auteurs qui échangent sur les nouvelles représentations de la France contemporaine.
Quatre auteurs ont été invités à regarder les travaux produits par les 200 photographes de la grande commande nationale pour le photojournalisme et à rédiger quatre essais dédiés chacun à une notion de la devise nationale, convoquant journalisme (Liberté par Pierre Haski, journaliste), philosophie (Fraternité par Cynthia Fleury, philosophe et psychanalyste), histoire (Égalité par Judith Rainhorn, historienne, et Potentialités par Pierre Charbonnier, philosophe). Ils échangeront sur les nouvelles représentations de la France contemporaine.
Table ronde animée par Sonia Devillers, France Inter, membre du jury de la grande commande pour le photojournalisme
Plus d'informations sur l'exposition «La France sous leurs yeux. 200 regards de photographes sur les années 2020» : https://www.bnf.fr/fr/agenda/la-france-sous-leurs-yeux
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Comment découvrir la porte d’entrée des êtres et des choses ? Comment accéder à l’autre, à tout ce qui n’est pas moi, à tout ce qui m’échappe et m’abandonne à la solitude ? Oui, je vais perdre ceux que j’aime. Oui, je vais mourir. Mais à cette certitude s’ajoute une grâce ou une énigme. Il existe des instants, des lieux à mi-chemin entre monde visible et monde invisible où le temps se suspend, où la dimension de l’un et de l’autre donne accès à une vérité plus belle et plus vraie. Seules ces rencontres inestimables avec l’autre nous aident à saisir le fait même de voir ou de penser.
Les formes modernes de l'absence de pensée.
Tel est le nouvel âge du décervelage: la société de consommation et des "loisirs forcés"; la tutelle des puissances de divertissement. Derrière cette forme de "loisir", il n'y a pas de scholé, pas de lieu propre pour l'homme pour construire son processus d'individuation. "La majorité de ceux qui mènent une vie absurde ne sont pas encore conscients de ce malheur. C'est la vie qu'on les contraint à mener qui les empêche de percevoir qu'elle est absurde. Voilà pourquoi ils ne font rien contre elle. Mieux: même ce qu'ils font à côté de cette vie absurde est quelque chose qu'on fait à leur place, quelque chose qu'on leur livre. [...] puisqu'on les prive de leur autonomie, de la chance de devenir autonomes, ils restent aussi non autonomes pendant leur temps libre. Ils s'acquittent de leur plaisir servilement, tout aussi servilement qu'ils s'acquittent de leur job."
(p.52/53, éd. Gallimard)
Ce n'est donc pas le charisme du leader, son intelligence, son sens de l'histoire, qui lui confèrent un pouvoir sur la foule, ce sont les individus, décérébrés par leur éducation patriarcale et leur servitude volontaire - rien de nouveau depuis La Boétie - qui aspirent à être dirigés par celui qui leur donnera l'illusion de protection infantile dont ils ont besoin émotionnellement. Certes, le charisme du leader pourra aider et renforcer ce ravissement, mais il n'est pas obligatoire et l'Histoire a, du reste, prouvé que le leader était souvent un homme peu charismatique. C'est cette faiblesse charismatique que l'on a traduite en mystère charismatique pour expliquer son ascendant sur la foule, alors même que tout se jouait principalement ailleurs, précisément dans cette foule qui se dessaisissait de sa responsabilité, et de son éducation.
Il faut rester vigilant. Le ressentiment est un poison d’autant plus létal qu’il se nourrit du temps pour grossir et gagner en profondeur le cœur des hommes. (Page 40)
Mais il subsiste toujours dans le mond social, cette passion pour le pouvoir comme s'il était l'autre nom du Réel. (...) que la politique délaisse enfin la fascination pour l'idole-pouvoir.
(pp.9-12)
De tous nos conformismes, le conformisme de non-conformisme est le plus hypocrite et le plus répandu aujourd'hui.
(p.19)
Il y a des failles auprès desquelles il n'est pas bon de rester car, tel un abîme, elles aspirent, attirent par l'ampleur de leur vertige.
Consoler, c’est œuvrer pour que l’autre reprenne le pouvoir sur le pouvoir de sa souffrance...
L’éthique nous permet d’être agents de nos vies, non pas au sens de toute puissance, mais d’implication. Et c’est précisément en s’impliquant dans le monde que nous protégeons ses sujets et notre démocratie.
Seulement voilà, deux grands camps s'affrontent en philosophie, qu'elle soit métaphysique ou morale : d'un côté, ceux qui croient toucher du doigt la vérité et, de l'autre, ceux qui sont conscients de ses multiples voiles, qui perçoivent non la vérité mais le je-ne-sais-quoi et le presque-rien.
D'un côté ceux qui interdisent le mensonge car il est forcément contraire à la vérité, et surtout il est impossible de défendre l'universalité d'une morale si elle défend le mensonge... et de l'autre...ceux qui ne séparent pas la vérité d'une situation, d'un contexte, d'une relation à, d'une responsabilité ici et maintenant, non qu'ils défendent la relativité de la vérité, mais plutôt sa relationalité...il y a des mensonges qui sauvent les êtres et les âmes.
(...)
S'il y avait eu un résistant dans votre armoire et que les flics boches venant le chercher vous aviez dit "oui il est dans cette armoire" parce que c'est la vérité, vous l'auriez dit ?
-Ah non je ne l'aurais pas dit.
-Alors, vous n'auriez pas été pure.
-Non, je n'aurais pas été pure, mais comment concilier les inconciliables alors qu'au niveau d'une quête plus personnelle on vise tout de même à une harmonie dans la personalité ?
-Alors ca, madame, on fait ce que l'on peut.
(pp.54-56)