Saluons tout d'abord la parution accélérée de Panini avec un tome par mois, ce qui permet de suivre à merveille l'urgence de l'intrigue de la série et d'éviter de se perdre dans les méandres de celle-ci en en oubliant des pans à mesure que le temps passe. C'est excellent !
Cette revisite des temps obscurs du Japon me passionne à chaque fois et ce même quand le rythme se pose comme ici ou même quand les idées ne sont pas toujours en adéquation avec les miennes, mais l'auteur sait faire revivre ces temps troublés avec fougue et passion. Alternant cette fois entre intrigue politique qui n'en finit pas de se resserrer et histoire plus intime d'un au revoir, l'émotion est au rendez-vous.
J'ai d'abord eu beaucoup de peine lors du choix fait par Samejima que j'ai trouvé déchirant. Bien que totalement d'un autre temps et dans un esprit que j'ai du mal à comprendre, j'ai eu le sentiment que Takahashi racontait cela avec une belle finesse, se mettant tour à tour dans la peau de chacun pour nous faire comprendre le sens que relevait le sepuku pour eux, alors que c'est juste une pratique barbare pour moi. On n'adhère ou pas à ce sens du devoir, cet orgueil, poussé à l'extrême, mais ici, on admire la mise en scène soignée et émouvante de l'auteur, qui ne tombe jamais dans le tape à l'oeil, ce que je craignais vraiment.
Tsutomu Takahashi est au contraire très subtile dans les portraits qu'il présente dans ce tome et le changement d'ère qu'il opère avec eux. On voit ainsi Gen grandir et ne pas coller toujours à cette fameuse doctrine samouraï qu'il aimait tant. Son frère au contraire est plus posé et finalement plus respectueux, ce qui les éloigne parfois. Ils se retrouvent à nouveau au milieu d'événements qui vont les dépasser mais que l'auteur, astucieusement, rapproche de leur but personnel.
Malin comme un singe, l'auteur capture à la fois le tournant de la fin du shogunat et du pouvoir qui se retransfère à l'Empereur, non sans heurt, et le tournant de la vie de ses héros qui doivent affronter une première défaite significative en tant que chefs d'un groupe qui ont perdu beaucoup d'hommes, dont un qui comptait beaucoup pour eux. Toutes ces pertes se mélangent et s'additionnent pour mieux nous conduire à des camps qui vont à nouveau s'affronter et une menace qui va à nouveau parler aux frères
Yukimura, puisque personnifiée en ce malade de Rugi !
J'aime la façon dont le mangaka entremêle tout cela et nous montre combien cette période charnière est complexe. Rien n'est blanc ou noir. Chaque homme a sa part d'ombre et de lumière. le portrait de leur chef, maître Katsu, est ainsi saisissant, et l'au revoir à celui qui fut leur rival, le révolutionnaire Takasugi, telle une bougie qui a brûlé trop vite, fut déchirant. Sans parler, de Mozu, qui bien que reléguée au second plan (que je suis triste de cela), offre un portrait de femme forte et résignée à la fois qui se bat pour le futur de ses congénères. Tout se met en place pour le grand final à venir.
Tome riche, abondant en émotions déchirantes, il y a pourtant plein de moments de grâce ici. L'atmosphère de cette fois d'une époque clé et les valeurs à l'ancienne des samouraïs sont parfaitement rendus par Tsutomo Takahashi même s'il tombe en plein dans une forme d'hagiographie de ces hommes. Il relate ainsi, pour le lecteur averti, cette construction du nationalisme japonais sur fond d'image biaisée de l'esprit guerrier du samouraï d'autrefois, avec une relecture bien trop jusqu'au-boutiste ne tenant pas compte de la réalité de la vie de leurs ancêtres. Passionnant mais un petit éclairage serait nécessaire pour le lecteur non-averti qui pourrait tomber dans le panneau et ne pas comprendre toutes les subtilités de l'oeuvre.
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