Tout, tout, tout, vous saurez tout sur Salman !!!
Comme beaucoup, j'avais été émue en apprenant le 12 aout 2022 que
Salman Rushdie avait été sauvagement poignardé et se trouvait entre la vie et la mort.
Je n'avais jamais lu cet auteur auparavant et j'ai décidé de céder à la curiosité lorsque j'ai vu le livre exposé sur le rayonnage de la bibliothèque.
Cet ouvrage m'a rappelé pour des raisons différentes ma déception lors de la lecture d'
American Mother de
Colum McCann (qui est d'ailleurs un ami de
Rushdie apprend-on dans le livre).
Le début est assez attendu (dans les deux sens du terme), l'auteur raconte par le menu les circonstances de la tentative d'assassinat dont il a été victime, comment il l'a vécue.
Dans le premier chapitre, j'ai aimé rentrer dans ce flux de pensées parfois saugrenues et complètement déplacées, sans filtre. L'auteur pense à son beau costume
Ralph Lauren mis en pièces par son assassin ou par les personnes qui le libèrent de ses vêtements afin de panser ses plaies, se préoccupe de ses clefs et de sa carte de crédit alors qu'il est à l'article de la mort.
Ensuite, ça s'est gâté, j'ai eu l'impression de lire un mélange étrange de Gala et Paris-Match, on rentre dans une litanie sans fin sur les blessures de Salman, mais aussi sur sa femme merveilleuse, ses proches, toute sa famille, la belle-famille et bla bla bla (même ressenti alors que pour
American Mother évoqué plus haut). Ça s'étale sur de nombreuses pages, et j'avoue que là je n'ai pas vu l'intérêt, son éditeur (dont
Salman Rushdie dit d'ailleurs qu'il a dans un premier temps commencé la rédaction du livre à sa demande) ayant dû lui demander de fournir un nombre minimum de pages pour que le lecteur ait l'impression d'en avoir pour son argent.
Salman ne nous épargne aucun détail, et certains n'ont pas le moindre intérêt, sur tous ses examens médicaux, les avis des médecins, ses angoisses, sa prostate… Stop !
Par miracle (mais ça ne sera pas le premier opéré par Salman), le livre redevient beaucoup plus intéressant en dernière partie, tout particulièrement lors du face à face imaginaire avec son assassin. Si tout le livre avait été rédigé sur cette trame, ç'aurait été un véritable régal (mais qui ne dure malheureusement que sur 35 pages). Cette joute verbale est particulièrement réussie et crédible et pleine d'un humour dont je me suis délectée.
Un livre qui aurait mérité un élagage drastique de son ventre mou bedonnant pour s'avérer intéressant au lieu de ce grand déballage et délayage de bulletins médicaux. Un immense cri d'amour à sa femme, on est content pour lui et pour elle, mais je pense là aussi qu'il était inutile d'en faire des tonnes sur tous les chapitres et que quelques pages auraient suffi au lecteur à cerner le propos et surtout à l'apprécier.
Vous l'aurez compris, j'en ressors avec un bilan médical mitigé : en résumé, un bon premier chapitre qui démarre sur les chapeaux de roue, un excellent dernier tiers, mais un vide abyssal entre les deux. J'ai cependant noté
Les enfants de minuit que cette lecture m'a donné envie de découvrir.
Nul doute en tout cas que l'auteur a l'art de se rendre sympathique avec un humour aiguisé et un grand sens de l'autodérision.
[…] il y a vingt ans, le roman qui est devenu
Shalimar le clown est né d'une simple image que je ne parvenais pas à chasser de mon esprit, celle d'un mort allongé au sol alors qu'un deuxième homme, son assassin, se tient au-dessus de lui, un couteau ensanglanté à la main. Au début, c'est tout ce que j'avais, l'acte sanglant. Ce n'est que plus tard que j'ai compris qui étaient les deux hommes et quelle était leur histoire. Quand j'y repense aujourd'hui, je suis ébranlé. Je ne vois pas en général mes livres comme des prophéties. J'ai eu quelques ennuis avec des prophètes dans ma vie et je ne postule pas pour ce genre d'emploi. Mais il est difficile, en repensant à la genèse de ce roman, de ne pas voir dans cette image, à tout le moins, une prémonition. L'imagination emprunte parfois des voies que même un esprit imaginatif ne parvient pas parfaitement à comprendre.
Les premières lignes des Versets sataniques reviennent aussi me hanter. « Pour renaître, chantait Gibreel Farishta en tombant des cieux, il faut d'abord mourir. »
(p.36-37)