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Critique de berni_29


Mon désir de lecteur se transforma, un jour il y a quelques années, dans un voyage qui continue de m'emporter depuis lors dans ce fleuve impétueux et indomptable que représente l'oeuvre des Rougon-Macquart.
Émile Zola a imaginé et construit cette immense fresque bâtie sur vingt romans pour décrire et aussi décrier un certain univers social sous le Second Empire.
Je continue de cheminer pas à pas et de manière chronologique, dans cette saga puissante, et me voici parvenu au quatorzième roman, qui s'appelle justement L'Oeuvre.
L'ouvrage nous entraîne dans le monde de l'art et des artistes, à travers le portrait d'un peintre maudit et raté, Claude Lantier et celui de son ami et écrivain, Pierre Sandoz qui semble ressembler trait pour trait à ce cher Émile Zola. C'est donc un roman d'amitié qui nous accueille autour de l'art dans ses premières pages.
Combien de fois n'ai-je pas trouvé dans l'écriture d'Émile Zola, dans sa manière de narrer une histoire, tout le talent d'un peintre. Peintre de l'âme humaine, de la vie sociale, de ses ambitions et de ses affres, peintre de la dégénérescence d'une famille sous le Second Empire...
Ici justement, il est question de peinture, mais pas seulement... Il est question d'art, mais pas seulement non plus...
Dans ce roman, Zola a décidé d'incarner l'art à travers la destinée de deux amis, un peintre et un écrivain.
Dans ce roman, il est surtout pourtant question d'humanité avant tout, c'est du moins ce que j'ai ressenti.
Claude Lantier est le fils de Gervaise Macquart et d'Auguste Lantier, qui nous ramène à une lecture précédente, très forte pour moi, celle de L'Assommoir. Oui Gervaise, la célèbre Gervaise, cette femme dont la destinée m'avait bouleversée... Vous souvenez-vous d'elle ?
Claude Lantier est l'ami d'enfance du romancier Pierre Sandoz. J'aime à rencontrer Zola dans ses romans, ici il est présent plus que jamais dans ce personnage de Pierre Sandoz.
Avec l'appui de son ami Sandoz et d'autres peintres ou sculpteurs, Claude Lantier lutte et se bat pour imposer une nouvelle forme de peinture, bien éloignée des canons néo-classiques qui ont la faveur des expositions officielles. Si certains d'entre eux réussissent finalement à s'imposer, Claude Lantier va pour sa part d'échec en échec, demeurant incompris du public et souvent de ses propres amis.
Ce roman est aussi une histoire d'amour. Claude Lantier a rencontré un soir de pluie, sous le porche de son immeuble, une jeune femme prénommée Christine, avec qui il partagera sa vie et ses échecs. Ils vont habiter à la campagne, où Claude trouve d'abord le soulagement. Ils ont un enfant, mais celui-ci, hydrocéphale, mourra à l'âge de douze ans. Entre-temps, le couple est revenu vivre à Paris, où Claude retrouve à la fois ses amis et le sentiment de son échec. Il finit par se détacher de sa femme pour passer son temps dans un grand hangar où il a entrepris une oeuvre gigantesque...
Ce roman a pour cadre le monde artistique et foisonnant du XIXème siècle. Mais comme toujours la force d'Émile Zola est de nous écrire des histoires presque intemporelles. Alors je vous laisse imaginer en quoi il est intemporel...
Claude Lantier porte le poids d'une fatalité dont on pressent déjà une fin tragique.
Sombre, la tragédie de cette fatalité est déjà écrite aux premières pages.
C'est un drame autour de la création, comment pousse une oeuvre d'art dans les soubresauts de l'âme qui la porte comme une graine prête à germer.
L'art est prétexte ici à évoquer un drame autour d'une passion.
Zola ici ne cherche pas forcément à peindre le monde des arts. Ce n'est qu'un prétexte. Il veut peindre une tranche d'humanité. C'est la passion d'un artiste pour son art et la passion d'une femme pour cet homme qui la dédaigne et qui lui préfère son oeuvre. L'art vole à cette femme l'homme qu'elle aime.
Dans le tableau que peint Claude Lantier, - la représentation d'une femme nue « aux cuisses énormes », comment ne pas voir tous ces tragiques personnages féminins de l'oeuvre des Rougon-Macquart. Sans qu'elles soient nommées, elles défilent pourtant ici brusquement sous mes yeux de lecteur fasciné, comment ne pas reconnaître ici Gervaise, Nana, Pauline... Ce sont les mères, les filles et les soeurs qui ont étreint de manière poignante le fil de la destinée des Rougon-Macquart.
L'Oeuvre est un roman empli d'humanité, abordé ici sous l'angle de l'art. Quelle magnifique passerelle en effet ! L'art convoqué comme chemin pour dire, pour dessiner, pour protéger l'humanité... L'art dressé comme un rempart contre les barbaries.
Oui, l'art est humanité.
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