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Critique de berni_29


De Mo Yan, prix Nobel de littérature en 2012, je n'ai pour l'instant lu qu'un seul roman, Beaux seins, belles fesses : Les enfants de la famille Shangguan.
Ne vous méprenez pas sur le titre, ce n'est pas un récit érotique, mais une vaste fresque historique, familiale et sociale chinoise qui s'étend sur le XXème siècle.
La guerre, la barbarie, l'effroi et la mort traversent ces près de neuf cents pages comme elle a traversé la vie de cette région de Chine, de la province du Shandong et ce canton rural de Dalan où vit la famille Shangguan.
Ce roman raconte l'histoire de cette famille, avec en son coeur la figure de la mère, Shangguan Lushi, magnifique portrait de femme, humble et généreuse, qui donne naissance à neuf enfants dont un seul garçon, Jintong.
En compagnie de cette famille vaste comme le roman, nous nous apprêtons à visiter un pan de l'Histoire de la Chine contemporaine, au travers de sa ruralité, de ses joies, de ses malheurs.
Ce coin tranquille et rural de Chine aura donc connu tous les affres du monde, comme d'autres territoires de Chine, comme d'autres territoires du monde : l'invasion allemande puis japonaise durant la seconde guerre mondiale, la guerre civile entre combattants communistes et partisans du Guomindang (le parti populaire national), le « Grand Bond » en avant qui porte mal son nom sauf à décrire une situation à l'arête d'un précipice, la révolution culturelle, les différentes réformes économiques qui n'ont fait qu'aggraver les malheurs du peuple chinois... La fondation de la République Populaire de Chine s'est établie sur la cruauté, la répression et le sang, sur des principes bien éloignés des belles idéologies de départ, et c'est à ce seul prix que le pouvoir en place s'est maintenu jusqu'à présent. J'imagine que ce prix Nobel de littérature a dû être accueilli avec ferveur par le gouvernement chinois.
Le héros de ce roman, - si on peut le désigner ainsi, ou plutôt appelons-le donc anti-héros, est Jintong, neuvième et dernier enfant d'une fratrie qui comprend huit soeurs.
Forcément, quand on naît dans une fratrie de huit soeurs qui l'ont précédé, le garçon tant attendu devient l'enfant prodige, le roi, l'arrogant. Certes Jintong est un être actif, qui ne sait plus à quels seins se vouer, un enfant têtu et en tétée, cela n'en fait pas pour autant un être courageux. Au grand dam de sa famille : il est pleutre, geignard, paresseux, grotesque, obsédé, dépourvu de volonté et d'intelligence, sa seule religion ce sont les seins.
C'est l'histoire de l'impossible sevrage de Jintong qui continue de téter à un âge avancé, autant pour le sien que pour celui de sa pauvre mère...
Il ne fera pas grand-chose parmi les malheurs du monde, des siens, des paysans de là-bas, de leurs enfants... Ces derniers pourront davantage compter sur les soeurs de la famille Shangguan, leurs beaux seins, leurs belles fesses...
Éloge de la sororité au sens propre du terme, dans ce roman les soeurs sont des personnages toutes magnifiques.
C'est un hommage aussi aux laissés-pour-compte de la Chine passée et contemporaine. Un tableau au vitriol.
J'ai été emporté par ce roman ample qui se lit facilement, touché par son lyrisme, sa force, son humanité.
Je fais partie d'une génération sacrifiée, celle qui n'a connu que le biberon, le sein maternel ne fut qu'un concept vague pour moi, une vue de l'esprit, je suis le dernier d'une fratrie de cinq enfants qui n'aura pas connu ce privilège... Ce dernier propos personnel ne doit en aucun cas vous influencer dans cette future lecture ni justifier mon ressentiment contre cet anti-héros pleutre et grotesque que fut cet enfant prodige nommé Jintong. Tout le reste est beau et grandiose.
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