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Critique de motspourmots


Sujet fort pour commencer l'année, porté par une écriture tout aussi forte qui fait revivre, par la voix de ses personnages, une époque et des moeurs ancrés dans l'identité des États Unis même après que la guerre de sécession y aura mis fin. Au fil des pages, Wash l'esclave, Pallas la guérisseuse, Richardson le propriétaire et quelques autres racontent... et on a l'impression d'entendre des voix puissantes, comme celles des conteurs autour des feux de camp, sur un rythme étrange, un peu lancinant, envoûtant.

Les "histoires", c'est ce qui maintient Wash debout. Celles que sa mère lui a transmises et qui représentent la culture de son peuple et son identité, qu'il s'attache à préserver tout au fond de lui malgré la volonté affichée de ses maîtres de l'en défaire totalement. Il s'y raccroche à chaque fois qu'il sent son esprit faillir ou ses forces l'abandonner et c'est l'équivalent d'un superbe acte de résistance. Il peut compter sur le soutien de Pallas, l'esclave guérisseuse au passé dramatique, dont les talents lui assurent une relative autonomie. Ces deux là ont appris à se cacher derrière des mines impassibles et des allures soumises, pour mieux se réfugier dans leur monde et continuer à faire brûler la petite flamme qui les définit encore comme des individus.

Comment continuer à exister lorsque toute volonté est annihilée, lorsqu'on vous considère à peine comme un animal ? Parce que le commerce des esclaves a de meilleures perspectives de rapport que celui du coton et pour satisfaire ses ambitions de développement, Richardson se laisse convaincre d'utiliser Wash comme étalon reproducteur. Chaque vendredi, et selon une liste pré établie, Wash est envoyé dans les plantations voisines pour féconder les esclaves qui rapporteront plus tard de jolies sommes à leurs propriétaires. Rien d'étonnant à ce qu'il préfère vivre dans le grenier de l'écurie près des chevaux plutôt que des hommes.

A travers les voix des différents personnages, l'auteur montre la brutalité mais également la complexité de ce système que d'aucuns s'attachent à défendre tandis que commencent à monter des appels en faveur de l'abolitionnisme. A l'image de Richardson, réticent mais pleinement contributif car emprisonné par un passé, des influences et des règles du jeu qu'il n'a pas le courage de remettre en cause. Des liens se tissent entre maitres et esclaves, forcément, difficiles à expliquer, à comprendre. C'est tout l'intérêt de ce livre que de tenter de montrer l'impalpable et surtout de le faire avec autant de finesse.

L'auteur dit s'être inspirée de l'histoire de ses ancêtres, propriétaires de plantations et elle parvient parfaitement à restituer ce début de 19ème siècle marqué par la guerre d'indépendance et cette volonté de construire vite une nouvelle nation la plus riche possible, moteur de l'esclavagisme. Elle nous offre un très beau livre, un de ceux qui contribuent à perpétuer les "histoires" de ceux qui, malgré tout ont résisté et transmis cette petite flamme à leurs enfants, comme les nombreux enfants de Wash après lui.

Une lecture utile, nourrissante et poignante. Un premier roman très prometteur. A découvrir.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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