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Critique de Agneslitdansonlit


"Il comprendra vite qu'ici personne n'entreprend jamais rien d'important avant de boire une généreuse tasse de thé. Un thé fort, adouci par un nuage de lait frais, entier." (P.10)

En cette période fraîche et pluvieuse, il était temps pour moi de retrouver tout bon comparse qui se respecte pour une lecture réconfortante : une tasse de thé, un poêle qui laisse filtrer le crépitement des bûches, un plaid et ... la compagnie d'un de mes 3 chats qui veut bien se dévouer pour compléter le tableau parfait de la lecture automnale !

Une fois bien installée, j'entame cette lecture qui se veut assez légère, pas au point d'être qualifiée de littérature "feel good", mais d'un petit format, d'un style aisé à lire et qui n'étouffera pas le lecteur de description alambiquée ou d'une profusion de personnages. Peut-être au point de souffrir d'un style parcimonieux, aux yeux des lecteurs qui apprécient les lectures plus étoffées.
Cependant, cette petite excursion en Ecosse, sans retard de vol, perte des bagages ou barrière de la langue à l'accent bien typique, m'a fait beaucoup de bien !

Aloïs vit en France, où il est libraire. Il vient de se séparer de sa compagne Anne, certainement plus intéressée par son vaste appartement parisien que par leur relation affective.
Mais un mal pour un bien, dans le même temps, il hérite d'une petite maison en Ecosse, à Applecross dans les Highlands.
L'ennui, c'est qu'il ne connaissait pas la propriétaire, qui fit pourtant de lui son héritier : Miss Heather Margaret Jane Fergusson...
Et pour cause, cette dernière assure dans son testament qu'ils n'ont pas de liens familiaux.

Un petit tour sur une carte et quelques images sur internet pour planter le décor.
Applecross se situe sur une péninsule du Royaume-Uni, située dans le Nord-Ouest de l'Écosse, en face de l'île de Skye. Intriguée par le nom de cette bourgade, par curiosité je découvre qu' Applecross, en gaélique écossais "A' Chomraich", signifie en français "Le Sanctuaire". Intéressant vu le récit qui m'attend. Sanctuaire... Quel mystère repose donc enseveli sous le silence à Applecross ?

Avec rapidité et facilité, les démarches pour organiser le voyage nous sont épargnées et nous voilà directement dans le vif du sujet, pendant qu'Aloïs, lui, est précipité dans une situation étrange : habiter la maison d'une inconnue. Aucune photo, il ne peut même pas mettre un visage sur ce nom qui ne lui évoque rien. "Pour cela [trouver une photo], il faudrait chercher, ouvrir les tiroirs et les armoires, mais en a-t-il le droit? Il a hérité de sa maison, pas de son intimité." (P.23)

Heureusement, pour se réconforter il a apporté avec lui ce que son père, un homme réservé, pudique, autrefois antiquaire, mais aujourd'hui décédé, lui a transmis: un livre de Tolkien, "Le seigneur des anneaux". Cette édition en français, présente pourtant une 1ère page tamponnée au nom d'une librairie d'Inverness, très proche. le mystère s'épaissit et bien évidemment, vient amplifier le questionnement au sujet de cette maison léguée par une inconnue. Car il ne saurait relever du hasard que ce roman, tellement aimé de son père, provienne d'une librairie se trouvant seulement à quelques kms de ce nouveau"chez lui" tombé du ciel...
Quelques informations sont glanées auprès des proches de la généreuse défunte, notamment la voisine, Eileen, qui lui apprend qu'Heather était férue de lecture et amoureuse des livres.

Naturellement, le récit se tourne vers l'investigation du lien opaque d'Aloïs à ce lieu mais surtout à sa propre histoire familiale.
Par cette enquête sur l'origine du livre transmis par son père, Aloïs se remémore ce dernier et évoque des images chargées d'émotion :
"Il revoit le bonheur sur le visage de son père quand il dépliait la carte, ses gestes lents quand il feuilletait les pages, son corps figé et son âme absente quand il devait interrompre sa lecture et refermer le livre." (P.38)
" C'était le livre de son père. C'était aussi le seul lien qui ait jamais existé entre eux." (P.42)

Aloïs est parachuté dans un univers qui lui est totalement étranger, mais pas seulement du fait de la langue, surtout parce qu'il vient d'une famille où les liens étaient abîmés, le lien à la terre inexistant, le contact avec les éléments naturels, filtré et réduit, et le sens de la communauté, perdu. L'immersion dans ce petit village écossais typique est donc un bouleversement pour lui et il retrouve une joie de vivre qu'il ne ressentait plus.

J'ai apprécié cette incursion réconfortante dans un univers de plaisirs simples, où l'olfactif s'impose, comme une réminiscence de nos souvenirs d'enfance.
"Les murs sont tapissés de livres de poche bon marché, usés, écornés, serrés les uns contre les autres sur des planches de bois brut. En entrant, Aloïs se sent chez lui. L'odeur sèche du papier lui serre le coeur et le rassure à la fois. Parce que cette librairie lui rappelle la sienne, à Paris?" (P.37)

Outre l'olfactif, il y a aussi de nombreuses incursions gustatives avec la référence évidemment au sacro-saint thé bien fort, mais aussi quelques douceurs typiques : le "sticky toffe " "gâteau nappé d'une épaisse couche de caramel. Un biscuit brun, dense, pour affronter les bourrasques et les tempêtes."(P. 41)

Alors, c'est vrai, j'aurais certainement aimé un peu plus de descriptions, une immersion plus nourrie dans ces paysages de lochs, une peinture plus précise des personnages, mais l'intrigue se tient, et louvoyer aux côtés d'Aloïs est plaisant même si on aurait bien repris un petit whisky,... euh pardon, un thé, je voulais écrire un thé bien sûr !
Ces aventures à Applecross me donnent des envies d'Écosse, de pub où se réunir autour d'une bière locale, des envies de balades sous la bruine, emmitouflée dans un caban en laine, des envies de thé chaud au coin du feu... ou un whisky donc, Ecosse oblige, quand même !
Ce côté "retour aux choses simples" dans une vie où la communauté est importante m'a beaucoup plu.
"Depuis des générations, on vient s'abreuver de chants, se repaître de ces moments qui font lien. On se touche, on se serre, épaule contre épaule. Et bientôt on se lève, on danse. [...] le soir, dans un pub, et encore plus un soir de concert, on ne reste jamais seul. On se rejoint, on se regroupe, on partage." (P.55)
Et puis, de temps en temps, c'est réconfortant d'être plongée dans une atmosphère apaisante où ce qui prédomine, ce sont les liens d'ici et maintenant, et où la culture et l'histoire communes font "ciment" entre les habitants.
"Ces musiques celtes, c'est notre culture, c'est ce qui nous lie avec les anciens".(P.104)

J'entendrai presque la typique "cloche des marées" posée sur le sable et qui sonne lorsque monte la marée !
J'ai convoqué quelques images, du film "The Holiday" pour l'ambiance cosy cottage, du film de Ken Loach "La Part des anges" pour l'incursion dans le terroir écossais avec cet accent bien particulier, et de la série "Shetland" pour ses enquêtes et ses paysages sublimes!
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