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Critique de Pol-Art-Noir


C'est une simple lettre de sa fille Charlotte qui prévient Simon alors qu'il est au soir de sa vie, sur son île d'adoption : son fils Guillaume est à Madagascar, mais on n'a plus de nouvelles de lui depuis six mois. Malgré leurs contacts épisodiques, c'est à lui qu'elle demande de partir à sa recherche.
Simon est un septuagénaire aventurier qui vit sa retraite loin de la France. Avec son pote Patrick, ils sont à la tête d'une minable agence touristique, Mad'aventure, qui loue aux voyageurs de passage de vieilles Coccinelles transformées en buggy.
Simon part bientôt pour la capitale, en quête d'informations sur son fils, et ce qu'il découvre n'a rien d'engageant : ce sont de petits dealers qui en veulent à Guillaume, ce dernier étant parti au bout du monde, en pleine brousse. Une vague croix tracée sur une carte est le seul indice dont il dispose. Simon reprend la route…

Comme son titre l'indique, La Piste du Vieil Homme est un récit de voyage, une visite guidée de Madagascar et de ses habitants, mais loin de la carte postale idyllique. Simon vit là-bas depuis vingt ans, et même s'il reste un « vasah », un colon, il connaît l'île et sa population dans sa chair.
À travers le périple de son personnage, Antonin Varenne décrit avec une certaine tendresse la pauvreté, la corruption, l'amabilité, la beauté des paysages et la cruauté de la vie locale.
Madagascar est un pays abandonné, ravagé économiquement, mais riche d'une population où la débrouillardise est érigée en art, vivant sur le fil, au-dessous du seuil de pauvreté. C'est là que Simon a posé ses valises, épousant à sa manière les us et coutumes de son pays d'adoption.
Avec son grand âge, lorsqu'il se met sur la route en quête de son fils, Simon entreprend à la fois un périple géographique et un voyage intérieur qui l'amène à s'interroger sur sa propre vie : son histoire avec sa femme Gaëlle, décédée il y a longtemps ; son histoire avec ses enfants et leur ressentiment à son égard.

Gaëlle a vécu les yeux sur un horizon qui s'éloignait à mesure qu'elle le poursuivait. Les extraterrestres comme elle vivent en tombant perpétuellement en avant, en déséquilibre et les bras tendus.
On finit par ne plus rêver que d'une seule chose : que la chute se réalise, qu'elle ait une fin. C'est pour ça qu'on se saoule ou se défonce : parce que les chutes des poivrots et des toxicos sont sans douleurs ni souvenirs. Ce sont les répétitions d'une fin paisible et impossible.

L'âge est la clef pour affronter sereinement l'avenir. La leçon n'est pourtant pas compliquée et devrait être à la portée de tous, jeunes et vieux. C'est que l'avenir n'est pas décidé. Plutôt qu'une inquiétude, c'est finalement un gros avantage par rapport au passé. Qui est le vrai danger. Parce que lui ne changera plus. Il est entièrement dit et on n'y peut plus rien. On ne pèse pas sur le passé, c'est lui qui vous pèse dessus et il vous rattrape immanquablement, alors qu'on peut toujours bifurquer ou fuir quand on regarde vers le futur.
Une loi de l'univers que Patrick énonce en termes plus simples : on refout toujours les pieds dans la merde qu'on a laissée derrière soi.

Antonin Varenne entremêle tout ça avec un indéniable talent : les péripéties du périlleux voyage de Simon ; les rencontres faites au fil du chemin, comme avec la délicieuse soeur Françoise, ou encore quelques Malgaches perdus dans la brousse ; les réflexions, le regard de Simon sur son existence.
La Piste du Vieil Homme est un tout dont chaque élément est indissociable de l'ensemble. Une fois à bord, impossible d'en descendre, de lâcher Simon et sa quête, de quitter l'incomparable Madagascar si bien rendue et aimée par l'auteur.

Celui qui voudrait de la gratitude inconditionnelle, quand il construit une école dans le tiers-monde, c'est qu'il n'a rien compris à ce qu'il fait ni chez qui il travaille.
Quand je vois des pubs de l'UNICEF, avec des écoles toutes jolies au milieu de la brousse, des enfants qui rigolent et des institutrices noires qui prennent dans leurs bras des bienfaiteurs blancs, en toute amitié et toute reconnaissance, moi, ça me fait le même effet qu'une pub pour une banque qui se termine par un repas en famille, avec trois générations d'endettés rigolards devant un grand écran et un match de foot. L'effet qu'on veut me vendre de la merde pour mon bien.

L'optimisme est plus utile aux pauvres qu'aux privilégiés qui aiment tant dire qu'ils le sont, optimistes.
Lien : https://polartnoir.fr/livre...
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