AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de lemurmuredesameslivres


Ce roman nous emmène à la rencontre d'Abigaëlle, une jeune femme qui s'est retirée dans un couvent en Bourgogne, il y a quelques années déjà. Rapidement, on comprend qu'elle est ici suite à un évènement traumatique que son esprit a oublié, ou peut-être enfoui. Depuis, elle doit vivre avec ses trous de mémoire. Gabriel, son frère, artiste reconnu, lui rend visite une fois par semaine, qu'il pleuve ou qu'il vente. Alors qu'elle a fait voeu de silence, lui parle beaucoup, de sa vie, de Zoé surtout. Mais Abigaëlle aimerait ne pas écouter, ne pas entendre ce qu'il a à dire, car elle seule sait quelle part d'ombre se cache derrière l'artiste.

La dernière allumette nous plonge dans la vie de ces personnages, alternant entre le présent et le passé, grâce à des extraits du journal intime d'Abigaëlle enfant. J'ai été incroyablement émue par la voix de cette jeune Abi, si fraîche, si innocente ! Grâce à ce journal, nous allons partager des moments importants de leur enfance, au sein d'une famille que l'on comprend vite dysfonctionnelle.

Abi a sept ans lorsque sa psychiatre, le docteur Hassan, l'incite à écrire ce qu'elle ressent dans des cahiers. Il faut dire qu'Abi est une petite fille particulièrement intelligente, le genre qui pense en arborescence. Ses paroles sont d'autant plus percutantes qu'à travers son regard d'enfant, sa situation familiale semble tout à fait ordinaire. Son papa est gentil, elle l'adore et il l'adore aussi, d'ailleurs, il aime clamer sa fierté au monde entier. Seulement voilà, son papa est violent avec sa maman, ce que notre regard d'adulte perçoit d'emblée. Derrière les mots, derrières les actes, entre les lignes, tout transpire la peur, la violence et l'emprise pour qui veut voir.

J'ai beaucoup aimé la belle relation entre Abi et son frère Gabriel, ensemble, envers et contre tout. Il la protège, la rassure, la pousse à avancer. Mais lui, qui va le protéger ? Elle semble pourtant consciente de "l'anormalité" de sa famille, ce qui l'incite plus tard à conclure un pacte avec son frère bien-aimé. Pour éviter de reproduire malgré eux cette violence, pour briser cette chaîne infernale, aucun des deux ne devra se marier ni avoir d'enfants. Mais Gabriel a rompu ce pacte le jour où il est tombé amoureux de la merveilleuse, si radieuse Zoé. Une situation qui va raviver les inquiétudes d'Abi, et l'exhorter à se souvenir de cet évènement qu'elle semble avoir oublié et qui doit à tout prix émerger des tréfonds de son cerveau.

Il y a un côté tellement tragique dans ce récit, dans la conscience de cette violence, dans la peur latente de devenir bourreau aussi bien que victime. On assiste à l'enchaînement presque fataliste qui prend forme sous nos yeux dans le présent, auquel s'ajoutent les passages du journal d'Abi, comme autant de coups portés au coeur.

Les séances dans le cabinet du docteur Garnier sont éclairantes. On y constate la réalité du quotidien de ces femmes battues, (mais rappelons qu'il y a aussi des hommes battus), qui subissent une emprise physique et psychologique tellement importante qu'elles ne peuvent s'extraire de cette situation, pas seules du moins, voire pas du tout. Malgré tout, elles éprouvent encore un fort sentiment d'amour envers leur conjoint, auquel se greffe le souvenir des débuts d'une relation idéale, idyllique même, conforme à tout ce dont elles rêvaient, jusqu'à cette première fois où... Abi elle-même semble ressentir ce tiraillement profond. Elle aime son père car il est aimant avec elle, et en même temps, elle est consciente qu'il fait du mal à sa mère. Mais l'un ne peut pas aller avec l'autre dans son esprit d'enfant.

Mais, si l'on se fie à la boîte, il reste encore une allumette pour apporter la lumière, et « la lumière, c'est la seule chose qui soigne la peur et la colère ».

La dernière allumette est une histoire qu'on ne veut pas lâcher et dont l'intrigue en filigrane m'a subjuguée de bout en bout, retournée même, c'est le cas de le dire. Cela fait maintenant plusieurs jours que j'ai terminé ce roman, et il ne cesse de se rappeler à moi. Je pense souvent à cette histoire, à ces merveilleux personnages, à cette thématique si difficile qui devrait éveiller encore plus largement les consciences. Je pense à Abi, beaucoup, non sans émotions, et j'aimerais de tout coeur vous inviter à la rencontrer ! Un livre merveilleusement écrit, beau et émouvant.

Mon avis sur la version audio : ❤️
Dans la version Audiolib, La dernière allumette est lu par deux narrateurs brillants, Caroline Tillette et Renaud Bertin. Abigaëlle étant au coeur de ce récit, Caroline Tillette en est la voix principale et je dois avouer qu'elle m'a subjuguée sur tous les plans. J'ai ressenti une émotion immense à l'entendre lire les extraits du journal d'Abi. Je me suis laissée porter par les mots de cette enfant, que je chérissais déjà. J'ai entendu sa candeur, sa bienveillance, j'ai souri à ses pensées d'enfant. J'en ai encore les larmes aux yeux rien que de réécouter l'extrait audio choisi par Audiolib. Et les émotions sont parfois si intenses, qu'il fallait bien la voix de Renaud Bertin pour m'en remettre. Ce qu'on entend dans le cabinet du docteur Garnier est très dur, mais l'intonation de Renaud Bertin m'a permis de prendre du recul, de calmer mes émois. Un duo absolument fantastique, et une narration qui apporte un supplément d'âme à ce magnifique texte de Marie Vareille. Une écoute coup de coeur, comme cela m'arrive quand le roman et l'interprétation sont en parfaite harmonie !

Roman lu dans le cadre du Prix Audiolib 2024.
Chronique détaillée sur le blog.
Caroline - le murmure des âmes livres
Commenter  J’apprécie          300



Ont apprécié cette critique (22)voir plus




{* *}