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Critique de Valmyvoyou_lit


Cela fait six ans que Mutien a disparu en mer. Ses soeurs pensent que le moment est venu de débarrasser son logement. Son frère, Abel, s'y refuse. « En ce qui me concerne, je ne veux rien perdre de toi, surtout pas l'espoir de ton retour. » (p. 16). Un délai de trois jours lui est accordé pour trier ce qu'il veut garder de Mutien. Il emporte des photos, des lettres, des carnets, etc. Dans un carton, il glisse tout ce qu'il pense relever de l'intime. Ces objets représentent le souvenir indéfectible de la fugue qu'ils ont faite, ensemble. Avec la voix de l'enfant qu'il était, il raconte.

Été 1944, en Wallonie. La Libération est proche, les Alliés avancent et les troupes allemandes se replient. le 30 août, un convoi d'une centaine d'Allemands fait irruption dans la ferme des Fauconnet. Il comporte des blessés, des invalides, etc. Leur chef réquisitionne les chevaux. Gaillard de Graux, un brabançon alezan, vingt fois primé, est emmené. Il est l'orgueil de la famille. le père d'Abel et Mutien, fusillé en 1943, avait toujours refusé de s'en séparer. « Vendre Gaillard ? Plutôt vendre mon âme ! » (p. 27)

Après le départ de l'ennemi, Mutien déclare qu'il va reprendre l'animal. En pleine nuit, l'enfant de treize ans et son petit frère de huit ans, leur courage et leur révolte en étendard, suivent les soldats. Ils sont bouleversants de témérité. Leur imprudence fait frémir et leur inconscience enfantine inquiète. Pourtant, leur quête est émouvante. En mémoire de leur père et portés par leur haine des nazis, ils affrontent le danger avec honneur et bravoure, même s'ils s'effondrent parfois.

Cependant, même s'ils se refusent à l'admettre, ils ne sont pas seuls : un homme veille sur eux. Ce dernier porte, sur ses épaules affaissées, le poids de la guerre. Auprès de cette jeunesse fougueuse, il prépare, sans le percevoir, l'avenir des nations ennemies et une éventuelle réconciliation. le pardon est impossible, alors il demande « pitié pour le mal ».

Au coeur des troupes ennemies, les enfants découvrent que l'humanité peut poindre là où on ne l'attend pas. C'est un élan difficile à accepter, après des années de tyrannie ; j'ai été très touchée par la lutte entre conscience et sentiments à laquelle se livrent Abel et Mutien. J'ai été aussi émue par l'éclairage qu'apporte, parfois, Abel, devenu adulte. Cette plongée dans le passé le confronte à certains évènements qu'il n'a pas compris, lorsqu'il avait huit ans. Il n'a pas perçu certaines douleurs. Il comprend, également que cette odyssée l'a transformé, malgré lui. « Il faut transmettre à nos enfants la vigilance plutôt que la haine. La haine est sectaire, elle méprise, elle exclut. La vigilance est ouverte, elle est l'affaire de tous, vainqueurs comme vaincus. Elle a pour enjeu que pareilles dérives ne se reproduisent plus. » (p. 81)

Ce livre était, dans ma pal, depuis plusieurs années. Au bout d'une trentaine de pages, je me suis exclamée qu'il était une merveille. Ce sentiment ne s'est pas démenti : il a été renforcé par l'attendrissement et l'émotion que j'ai ressentis. Dans ce récit, le beau et la souffrance se rejoignent, l'horreur et l'humanisme se mêlent, l'espoir et la douleur se mélangent, le passé, le présent et l'avenir écrivent l'histoire. Enfin, la mission des enfants est bouleversante d'innocence, d'héroïsme et d'amour. le chemin et l'issue ont la même essentialité. Abel et Mutien sont-ils parvenus à sauver Gaillard ? J'ai eu un immense coup de coeur pour Pitié pour le mal.

Lien : https://valmyvoyoulit.com/20..
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