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Critique de Matho


Lu dans le cadre de l'opération Masse critique

Souvent je suis agacé par la méconnaissance de la procédure pénale dont font montre les auteurs de polars français ; encore récemment, je tiquais en lisant sous la plume d'une grande du roman noir, que j'affectionne depuis Sombre sentier, l'expression "mandat de perquisition" : cette terminologie n'existe pas dans le code de procédure pénale français ; on parlera plutôt de commission rogatoire.
Aucune imprécision de la part de Solange Siyandje : avocate de profession, elle décrit avec un luxe de détails que je n'avais jamais lus dans un roman français, la procédure d'une enquête criminelle, depuis la découverte des cadavres jusqu'au procès des accusés. Ce fut une surprise de voir que les arrestations avaient lieu au milieu du roman, là où s'arrêtent la plupart des polars ; on enchaîne donc par la description des assises, là encore nourrie manifestement de la pratique professionnelle de l'autrice. Nouveau rebondissement : le roman continue après le verdict, avec différentes péripéties. On trouve aussi des descriptions qui sentent le vécu du Bastion, le nouveau siège de la police judiciaire parisienne. le réalisme de la procédure pénale, que je pratique un peu dans mon travail, est pour moi le point fort du livre.
J'avoue avoir été moins convaincu par la création des personnages, dont on ne sait à peu près rien avant que l'interrogatoire de personnalité nous en apprenne un peu plus sur les accusés, mais guère. J'ai eu du mal à éprouver de la sympathie ou de l'antipathie pour des marionnettes de papier, qui ne se meuvent que pour les besoins de l'intrigue, comme dans un roman d'Agatha Christie (romancière que j'ai cessé de lire à l'âge de dix-huit ans).
Malgré le réalisme des détails de procédure, le récit m'a paru parfois manquer de vraisemblance : un des personnages a une mémoire trop fidèle et est trop physionomiste ; évidemment c'est dans le domaine du possible, mais ça tombe (trop) à point pour faire avancer l'enquête. le grand Méchant, basé aux Etats-Unis, arrive à corrompre trop facilement des fonctionnaires français, en particulier un enquêteur qui arrive sur une scène de crime : comment diable le Méchant pouvait-il savoir que ce policier, entre tous les agents du Bastion, y serait envoyé ?
Le roman n'est pas mal écrit, mais parfois j'ai achoppé sur ce qui m'a semblé des maladresses :
- "Il n'osait lever les yeux vers elle et rongeait les cadavres des légumes qu'il avait déchiquetés d'un regard coupable " (page 30) : ronger les légumes du regard ?
- "elle se jeta sur ses lèvres dans un élan où se mêlaient folle passion et plate dévotion." (Page 59.)
- "Elle posa sa main sur la bosse qui s'était formée tel un roc sous son caleçon." (Page 60.)
- "Elle se sentit soudain comme une moins-que-rien, sous le crachat de cet être qu'elle adulait." (Page 61.)
- "Elle contempla son annulaire gauche, les yeux brillants de larmes, et retira son alliance." (Page 87.)
- "L'avocat la fixait, ému par ses paroles." (Page 115.)
- "Elle se laissa faire, immobile, le regard perdu dans le vide profond où étaient piégées ses pensées." (Page 127.)

Au final, il s'agit d'un premier roman prometteur ; si l'autrice persévère dans l'écriture, elle gagnera à travailler les aspects purement romanesques.

Il me reste à remercier Babelio et les éditions Gallimard de m'avoir offert ce livre.
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