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Critique de BazaR


BazaR
09 février 2021
Oui, il est possible de faire revivre avec brio une époque si lointaine qu'elle en est tombée en poussière ; en tout cas quand on s'appelle Robert Silverberg.

Essayez de prendre conscience de la distance qui nous sépare de l'époque de Gilgamesh d'Uruk, en Mésopotamie. Une bonne façon est de réaliser qu'il s'est passé à peu près autant de temps entre lui et Alexandre le Grand qu'entre ce dernier et nous. Silverberg ressuscite ce temps des débuts de la civilisation urbaine. A travers ce qu'on pourrait nommer les mémoires du roi au deux tiers dieu Gilgamesh, il nous donne à vivre un Pays à taille humaine, où chacun, quel que soit sa place dans la société, se préoccupe d'irriguer et cultiver les champs, de nettoyer les canaux, de bâtir des temples et d'offrir des libations aux dieux multiples et omniprésents, de commercer et de faire la guerre aux voisins.
L'écologie du Pays est difficile, sa nature dure à dompter. L'eau menace d'inonder ou de se faire rare ; les déserts restent à proximité ; les animaux sauvages – si proches de ceux de la savane africaine – sont légion. L'homme a besoin de l'aide des dieux pour sa protection. Enlil, Inanna, An, Enki, le panthéon est immense, mais chaque ville en privilégie un tout en les adorant tous. Dans la mythologie sumérienne, les hommes ne sont que les serviteurs des dieux. Leur libre arbitre est limité.

Robert Silverberg choisit de nous conter un récit réaliste, où les dieux restent à leur place dans les temples, les rêves ou « incarnés » dans une prêtresse ; où les démons prennent la forme de catastrophe naturelle et où les taureaux célestes sont de vrais taureaux. Mais l'auteur maîtrise l'image qu'il veut nous faire approprier. Quoi que soit ce que le lecteur voit, il le voit à travers le prisme des sumériens ; il voit le démon ; il voit la déesse. On ne s'en rend presque pas compte et c'est là que réside la réussite du roman.
Evidemment tout tourne autour de Gilgamesh. le personnage est impressionnant de carrure et j'imagine que ses exploits ont dû inspirer le mythe d'Héraclès. Il est au deux tiers dieu et est habité par son père divinisé Lugalbanda. du moins tout le monde en est-il persuadé. Il est à la fois imbu de sa personne et de sa position, et proche de son peuple. C'est un être profondément seul jusqu'au jour où les dieux lui octroient un ami aussi costaud que lui : Enkidu. Il évolue beaucoup au fil du récit. Il a engagé une lutte sans merci avec la mort, qu'il refuse absolument pour lui-même (un des thèmes favoris de l'auteur). Cette quête acharnée de l'immortalité laissera sa marque en l'homme.
Gilgamesh partage en Uruk le pouvoir avec la déesse Inanna, ou son incarnation. Les relations entre les deux personnages sont passionnées. Elles m'ont rappelé l'amour-haine de Gregory Peck et Jennifer Jones dans le film Duel au Soleil. Deux pouvoirs aussi puissants ne pouvaient régner ensemble sereinement. Silverberg exploite son expérience d'écrivain de romans érotiques, comme souvent.

Origines du récit du Déluge, batailles fracassantes où les chars sont menés par des ânes (lol !) … Il y aurait encore tellement à dire. Mais je vous laisse le découvrir par vous-mêmes si ce n'est déjà fait. Je termine en remerciant chaleureusement Srafina, avec qui j'ai effectué cette lecture en commun. Nous en avons bien profité pour nous renseigner plus avant sur cette époque. de mon côté, je ne peux que vous conseiller de vous abreuver à un livre de référence : La Mésopotamie : de Gilgamesh à Artaban 3300 - 120 av. J.-C., édité chez Belin.
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