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Critique de Eve-Yeshe


L'auteure nous raconte, par la voix de Shirin, petite fille âgée de neuf ans, l'histoire d'une famille qui a fui l'Iran et les persécutions, à l'époque du Shah, car ils étaient intellectuels et surtout communistes. Les parents de Shirin sont arrivés les derniers à Paris et sont logés par les soeurs de sa mère.

La mère de Shirin, est prête à tout pour être aimée et reconnue par ses soeurs, dominatrices, surtout l'aînée, qui est odieuse, narcissique, maltraitante. Elle devient leur esclave, fait la cuisine, le ménage, sans que personne, jamais, ne daigne lui dire merci.

Son père est professeur ; il supporte sans broncher le climat de haine et de mépris distillé par ses belles-soeurs, qui se comportent en mères maquerelles, monopolisant l'argent qu'il gagne sous prétexte qu'elles l'hébergent. C'est un homme plutôt brillant et la situation le désole. « Les soeurs » le dénigrent sans cesse devant sa femme et sa fille car il ne partage pas leur vision de la société et leur communisme aveugle qui les conduisent à des actes violents.

Les relations entre ses parents sont bien abordées également et avec les yeux de petite fille qui voit bien que la relation au corps est étrange, de même que l'amour ou les gestes de tendresse que la mère ne peut pas effectuer du fait du poids des traditions, et tente de transmettre son amour maternel par le biais de la cuisine : »je te nourris, donc je t'aime, mais je ne te le dis pas, ce n'est pas possible, ni envisageable…

« Ma mère, incapable de dire son amour et son ressenti depuis l'enfance, cuisinait pour compenser et sa cuisine-amour était forcément trop abondante, enrichie de tout ce qu'elle avait sur le coeur et qui n'était jamais passé par ses lèvres. » P 63

On a aussi le patriarche, le grand-père de Shirin, vieux, usé mais l'oeil toujours aussi pervers. On comprend très vite qu'il s'est passé quelque chose de grave entre lui et ses filles.

Pour échapper à la violence psychologique qui règne dans la maison, Shirin fait une fugue et elle est ramenée à la maison par Omid, le « compagnon » de sa tante. C'est un homme à l'esprit ouvert qui va l'aider à maîtriser le français, la guider dans ses lectures et bien-sûr, la petite fille en tombe amoureuse, au grand dam de la famille.

Shirin, coincée entre deux cultures, a du mal à trouver sa place :

« Et puis je n'avais pas la gueule de l'emploi : ni celle de ma famille, ni celle de la France. Trop occidentale pour l'Iran, pas assez typée pour la France. Et pourtant. Il y avait quelque chose de métèque en moi qui persistait et que je ne voulais pas effacer. Quelque chose me disait que la boue où j'avais grandi était la bonne matière à travailler pour trouver mon vrai visage. » P 265

Abnousse Shalmani étrille au passage cette famille communiste pure et dure qui reste aveuglée par le mythe, la pensée unique (« il vaut mieux avoir tort avec le parti que raison sans le parti » comme le prétendait un ténor communiste il n'y a pas si longtemps), refusant de voir les dérives, n'hésitant pas à commettre des attentats au nom de la cause.

Elle nous parle aussi très bien et de manière parfois drôle de la dureté de l'exil, d'être à cheval sur deux cultures dans un pays où le statut de la femme est totalement différent. Les tantes continuent les fêtes, les coutumes, et le poids des traditions est omniprésent. Je suis sortie de cette lecture avec des saveurs et des odeurs plein la tête. Elle écrit ceci :

« On était bien obligé de s'y faire et de choisir son clan. de s'ancrer pour ne pas être écrasé. (Ce fut une illusion aussi : j'ai longtemps cru qu'en me plongeant dans la France, je finirais par avoir son visage. Mais l'exilé n'a pas d'autre visage que celui de l'exil :il ne sera jamais son pays d'adoption, pas davantage que le pays natal. J'ai fini écrasée comme tous les exilés entre un souvenir et un espoir.) » P 97

J'ai beaucoup aimé ce roman, les personnages de cette saga familiale, avec son lot de secrets, de haine et jalousie. L'écriture est belle et invite au voyage. C'est mon préféré parmi les cinq romans que la FNAC m'a proposé.

Ce roman est un véritable coup de foudre et j'espère qu'il aura le succès qu'il mérite et ne sera pas trop noyé dans la masse des romans de la rentrée, parmi les auteurs reconnus et encensés qui produisent un roman à chaque rentrée et qu'on verra partout pontifier (pour certains du moins !)
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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