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Critique de Dionysos89


Après dix-huit mois de mandature et un événement social considérables (le mouvement des Gilets Jaunes), François Ruffin a décidé de publier un nouvel essai journalistique, Ce pays que tu ne connais pas, écrit comme un appel à la raison et au réel adressé au président de la République Emmanuel Macron.

Une construction duelle
François Ruffin a décidé de construire ce nouveau récit politique par un face-à-face entre deux personnalités liées par un même lieu : un lycée d'Amiens, où se sont côtoyés sans se connaître Emmanuel Macron et François Ruffin justement. L'un est devenu président de la République, l'autre son opposant. Comment est-ce possible et qu'est-ce qui les différencie tant ? alors qu'on pourrait supposer qu'un parcours similaire aurait pu les rapprocher, c'est l'inverse qui se produit. Dans ce face-à-face sociologique, l'auteur se met en scène, comme il le fait dans ses deux films (Merci patron ! et J'veux du soleil !, ce dernier co-réalisé avec Gilles Perret), mais met en lumière un troisième personnage, qui est la constante référence pour jauger l'un et l'autre à l'aune de l'actualité : le peuple. Comment Emmanuel Macron et François Ruffin pensent-ils leur rapport aux classes populaires ? L'avantage d'une telle construction est qu'elle permet de mettre facilement en perspective des prises de position différentes sur des événements communs (cet ouvrage est publié en plein mouvement des Gilets jaunes, ce n'est évidemment pas anodin) et des moments personnels de chacun des deux protagonistes.

Un style pamphlétaire
Afin de réaliser ce duel politique, François Ruffin a opté pour un style franc et direct, comme il en a l'habitude en fait dans d'autres publications qu'il a déjà réalisées. Cet ouvrage se veut une adresse directe au président Macron afin de régler le principal problème de son pouvoir « jupitérien » : son éloignement constant de la vie quotidienne de la plupart des gens, des classes populaires. Pour montrer cet état de faits, l'auteur use donc de phrases parfois crues, parfois alambiquées, mais toujours dans un but précis : démontrer la déconnexion chronique du pouvoir présidentiel d'avec ses administrés. Faisant partie de la classe moyenne intellectuelle qui sait que le basculement de sa classe doit se faire d'abord dans les esprits, l'auteur fait acte militant avec cet ouvrage et nous fait réfléchir, en tant que lecteur et citoyen, à notre proximité très relative avec M. Macron et notre proximité bien plus réelle avec ceux que François Ruffin vient faire témoigner par son discours.

Du pur journalisme de terrain
On peut détester le personnage, trouver le style trop direct même, mais par contre il est difficile de ne pas voir dans cet ouvrage une belle forme de journalisme de terrain. Bien sûr, le député-reporter est parti sur le terrain avec un angle de reportage, mais il a surtout accumulé chiffres accablants, anecdotes croustillantes et interviews en masse. On en apprend de belle, évidemment. Les lecteurs du journal Fakir (« Journal fâché avec tout le monde. Ou presque ») ne seront pas perdus, puisqu'on retrouve ici le ton volontairement roublard du reporter amiénois. C'est ainsi l'occasion de faire se côtoyer au sein d'un même récit et de pages communes l'aide-soignante au bord du burn-out et le banquier d'affaires qui oublie qu'il y a des gens derrière les millions d'euros qu'il administre, l'ouvrier et le représentant politique qui lui rend visite sans piger un broc de qu'il fait toute la journée, ou même le chômeur et l'homme politique qui va l'enjoindre à ne pas attendre tout de l'autre. L'ensemble est efficace par son caractère implacable.

Ce pays que tu ne connais pas est donc un bon essai d'actualité qui saisit la portée des structures dans notre prise en compte de la réalité ; dommage bien sûr que l'auteur lui-même fasse ce comparatif instructif avec le président Macron, mais il n'empêche que l'exercice fait mouche et est bien utile en ce moment.

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