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Critique de Arakasi


7 septembre 1812, l'armée russe abandonne Moscou, laissant les troupes françaises victorieuses défilaient dans les rues de la cité des tsars. Mais la prise de Moscou s'avère un cadeau empoisonnée : quelques jours après l'installation des français en ville, des incendies se déclarent partout et ravagent la capitale, réduisant les neuf dixièmes des bâtiments en cendres. Il faut quitter la ville, faire retraite vers la France mais des centaines de kilomètres séparent les troupes de la Mère Patrie, une étendue sans fin de boue, de forêts et de glace. « Il neigeait. » L'armée s'étale comme un long serpent sur les terres désertiques, laissant derrière elle une trainée de cadavres et de chevaux gelés. Les hommes avancent, l'estomac dans les talons, la peur au ventre. « Il neigeait, il neigeait toujours ! » le bilan sera glaçant : 200 000 morts, 150 000 prisonniers et cela sans compter les désertions. A la tête de cette armée en déroute, l'Empereur, spectre impassible et distant, regarde son peuple se faire dévorer vivant par l'hiver russe.

Après un premier roman remarquable sur la bataille d'Essling, Patrick Rambaud s'attaque à un gros morceau, digne des plus grands tragédiens : la retraite de Russie. Et avec quelle efficacité ! A travers les parcours entrelacés d'une poignée de personnages (un officier de cavalerie violent et bourru, son domestique plus ou moins dévoué, une troupe de comédiens, un secrétaire arriviste… ) Rambaud fait revivre pour nous l'un des épisodes les plus dramatiques des guerres napoléoniennes. Je n'ose dire « l'épopée » car il n'y a assurément rien d'épique dans cette longue suite de morts cruelles et de lâchetés. La descente aux enfers y est éprouvante, d'autant plus marquante qu'elle est épicée de nombreuses touches d'humour noir. La volonté de l'auteur de désacraliser le personnage de Napoléon Bonaparte y est évidente. Un peu trop même, s'il faut être équitable. de toute évidence, Rambaud nourrit un rapport conflictuel au personnage… Il le juge fascinant mais ne le porte pas dans son coeur, loin s'en faut. Son Empereur est un bouffon vaniteux, complétement coupé du monde qui l'entoure, assez semblable à celui mis en scène par Tolstoï. A lui dénier tout génie et même toute compétence, Rambaud finit par lui ôter toute crédibilité – c'est oublié que Napoléon a toujours été un homme capable de créer sa propre chance et pas seulement de se laisser porter par elle.

Ce petit bémol a légèrement entamé le plaisir que j'ai éprouvé à la lecture de ce passionnant roman, sans le gâcher pour autant. Si tous les romans historiques pouvaient être de cette qualité, quel pied se serait !
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