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Critique de Nastasia-B


J'ai lu une première fois ce livre il y a une quinzaine d'années sur les recommandations chaleureuses d'un de mes meilleurs amis. Je dois dire qu'il m'avait bien vendu l'affaire, le salopard, car en une discussion, il avait réussi à m'intriguer suffisamment sur cet écrivain précoce pour que je voulusse à tout prix en savoir davantage.

Et, contrairement à toutes mes attentes, ce fut une cruelle déception. J'avais trouvé l'histoire totalement creuse, n'avais ressenti aucune émotion à la lecture ; pas la moindre empathie pour ces ébats de jeunesse en contexte de première guerre mondiale.

Le style ne m'avait pas davantage fait trépidé bien qu'il était spécifié un peu partout qu'on avait affaire à un génie précoce, un Rimbaud du roman, etc., etc., je vous épargne les superlatifs habituels de quand on cherche à tout prix à vous fourguer une camelote.

J'en avais donc gardé une impression particulièrement négative, à telle enseigne que, j'en suis venue récemment à me dire que la déception initiale avait dû altérer mon objectivité, si tant est que ce mot puisse avoir une once de sens en matière de sensation littéraire.

J'ai donc repris la lecture, à froid, sans enthousiasme, ne m'attendant à rien de bon, dans l'espoir de m'en faire une opinion, si possible plus juste et plus nuancée. Nuancée, comme vous le voyez, elle l'est puisque j'ai péniblement hissé ma notation de une à deux étoiles.

Deux étoiles et ce sera mon dernier prix car, malgré tout, je ne suis pas cliente de ce genre d'ouvrage. Tout d'abord quant au style. Alors, certes, la langue française y est admirablement maîtrisée, les accords sont excellents, la concordance des temps admirable et, je pense même que certains écrivains actuels plus chevronnés pourraient s'en inspirer tellement le français académique s'y épanouit dans toutes ses dimensions.

En outre, que c'est verbeux, que c'est sentencieux, que ça fourmille de maximes universelles creuses à souhait ! Quand un petit trou du cul de vingt ans fraîchement dépucelé vient m'expliquer en termes universels et définitifs ce que c'est que la vie, ce que c'est que l'amour, excusez-moi, mais ça me fait doucement rigoler.

Alors d'accord, cela s'appuie sur son expérience personnelle, d'accord cela relate un élément de tension sociétale (les hommes mariés partis à la guerre et le vide qui s'ensuit auprès des épouses) et une dimension émotionnelle et psychologique exacerbée (la naissance et l'épanouissement d'un premier amour physique) à une époque où les interdits sociaux étaient bien plus marqués qu'ils ne le sont à l'heure actuelle.

Mais cela dit… cela dit… euh… plus grand-chose à dire.

Au demeurant, pendant toute cette relecture, je n'ai pu me défaire d'une sensation désagréable de supériorité de l'auteur, de fausse modestie, de condescendance, le tout non dénué d'un certain mépris tant pour les femmes en général que pour celle auprès de laquelle il a vécu ce que tout jeune homme hétérosexuel rêve de vivre pour la première fois.

Sous des airs de grand rebelle aux conventions et exigences sclérosées imposées par la société, ce gamin nous fait sentir, nous glisse comme à l'oreille : « Regardez comme je suis précoce, regardez comme j'ai des grosses couilles, regardez comme j'envoie paître toute cette société. Regardez comme vous êtes niais de vous y plier. »

À aucun moment je n'ai ressenti qu'il témoigne de véritable empathie pour cette Marthe. Je n'y ai perçu qu'un ego, qui se développe, qui s'étale dans toute sa longueur ; ego de l'auteur à peine dissimulé sous le voile du narrateur.

Narrateur de seize ans qui rencontre une jeune femme de dix-neuf fraîchement mariée avec un homme parti au front durant la guerre de 1914. Cette manière de dandy collégien, fait le dur à expérimenter l'école buissonnière et quand Marthe lui est présentée, c'est plutôt en faisant la fine bouche qu'il daigne y porter un regard.

Puis, peu à peu, il finit par lui découvrir quelques charmes et s'étonne de constater qu'elle ne semble pas totalement hostile aux siens ni à ses avances de grand rebelle des collèges. Il faut dire qu'elle n'est vraisemblablement pas totalement éprise de son légitime époux dont on sent qu'elle a peut-être eu la main un tantinet forcée par les parents.

Puis la bobine se déroule, et l'auteur en fait des tonnes sur les fantastiques obstacles à surmonter, sur le carcan des interdits et du qu'en dira-t-on. De même, dans le final, alors même que les événements offrent une tension dramatique qui aurait pu donner cours à un vrai bon moment de littérature qui ne serait plus autocentré, Raymond Radiguet botte en touche, en termine avec son histoire tout comme j'en termine avec cette critique.

Ouais… bof, comme vous l'aurez deviné, je ne le relirai pas une troisième fois. Je m'étonne du succès de ce livre, probablement est-il sorti au bon moment, probablement l'auteur, bien que décédé jeune, avait-il eu le temps de nouer des contacts intéressants avec le monde littéraire ce qui lui a permis d'avoir une bonne publicité sans doute pas exagérément justifiée. Qu'en est-il de l'intérêt que présente ce livre aujourd'hui ? Là, ce sera à vous d'en décider, car, quoi qu'il en soit, ceci n'est qu'un avis, c'est-à-dire pas grand-chose.
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