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Critique de glegat


Une brève histoire de l'égalité de thomas Piketty, seuil 351 pages, (2021)

Thomas Piketty est un économiste de gauche ayant acquis une réputation internationale dont témoignent les nombreux prix et récompenses obtenus pour ses travaux relatifs notamment aux inégalités et aux problèmes de redistribution. Il a été le conseiller économique de Benoît Hamon en défendant l'idée d'un revenu universel. Dans le contexte politique actuel caractérisé par une certaine indigence dans les propositions et un manque de cohérence dans les programmes proposés par les candidats à l'élection présidentielle, Thomas Piketty propose un plan d'ensemble pour réformer la société.
Dans son livre « Une brève histoire de l'égalité », qui est une synthèse de ses précédents ouvrages, il défend la thèse selon laquelle on observe une évolution allant vers davantage d'égalité de statut, de propriété, de revenu, de genre et de race dans la plupart des régions et sociétés de la planète. Cette marche vers l'égalité est la conséquence des luttes et des révoltes face à l'injustice, qui ont permis de transformer le rapport de force et de renverser les institutions soutenues par les classes dominantes. Mais, les luttes et les rapports de force ne sont pas suffisants, ils ne garantissent aucunement que les nouvelles institutions et les nouveaux pouvoirs qui les remplaceront soient meilleurs que les précédents, car il est aisé de dénoncer les travers, mais plus difficile d'y remédier. L'expérience du communisme soviétique (1917-1991) illustre cela à la perfection. Son livre est illustré par de nombreux graphiques très clairs et explicites et par quelques statistiques pertinentes. Pour démontrer les progrès réalisés, ils donnent les chiffres suivants :

En 1820 20 % des nouveau-nés décédaient au cours de leur 1re année, aujourd'hui on est à moins de 1 %. Concernant l'alphabétisation, au début du XIXe siècle 10 % de la population mondiale de plus de 15 ans était alphabétisé contre 85 % aujourd'hui. le revenu moyen est passé au 18e siècle de 100 euros par mois par habitant de la planète à 1000 euros aujourd'hui. Est-ce à dire que tout est bien dans le meilleur des mondes ? Bien sûr que non. Un graphique montre clairement l'écart entre les plus riches et les plus pauvres qui a tendance à se creuser après un mouvement vers l'égalité au cours du XXe siècle. Il est à la fois souhaitable et possible de poursuivre la marche vers l'égalité et pour cela il faut aller beaucoup plus loin dans la mise en place de l'État social et de l'impôt progressif. Thomas Piketty dénonce le colonialisme et la domination militaire qui ont permis aux pays occidentaux d'organiser l'économie du monde à leur profit et de placer le reste de la planète dans une position périphérique durable. Il préconise le remboursement à l'État d'Haïti des sommes qu'il nous a versé pour indemniser les propriétaires esclavagistes français. Cette somme pourrait s'élever à 30 milliards d'euros qui permettraient à cet état plongé dans la misère à cause du colonialisme esclavagiste de prendre un nouveau départ. Thomas Piketty retrace toute l'histoire économique mondiale en dénonçant les injustices et les inégalités et les modes d'élections au suffrage censitaire qui ont permis à la classe dominante de conserver leurs avantages et leur fortune.

Il fait aussi un constat radical : toutes les données dont nous disposons aujourd'hui suggèrent que les taux quasi confiscatoires (impôt progressif) ont été un immense succès historique. Ils ont permis de réduire fortement les écarts de fortunes et de revenus, tout en permettant d'améliorer la situation des classes moyennes et populaires, de développer l'État social et de stimuler une meilleure performance économique et sociale.
Pour réduire les inégalités, il propose également le versement d'un héritage minimal versé à tous à l'âge de 25 ans financé par l'impôt progressif sur la fortune et la suppression des grosses successions.

Il dénonce toutes les discriminations et notamment celles dont sont victimes les femmes, il propose un impôt mondial de 2 % sur les fortunes supérieures à 10 millions d'euros, ce qui rapporterait environ 1000 milliards soit 1 % du PIB mondial, et d'investir cette somme dans la santé, l'éducation et les infrastructures des pays les plus pauvres.
Thomas Piketty résume sa pensée en fin d'ouvrage :

« J'ai défendu dans ce livre la possibilité d'un socialisme démocratique et fédéral, décentralisé et participatif, écologique et métissé, reposant sur l'extension de l'État social et de l'impôt progressif, le partage du pouvoir dans les entreprises, les réparations postcoloniales et la lutte contre les discriminations, l'égalité éducative et la carte carbone, la démarchandisation graduelle de l'économie, la réduction drastique des inégalités monétaires et un système électoral et médiatique enfin hors de portée des puissances d'argent. »

Bien sûr Piketty à des détracteurs, bien sûr il peut se tromper sur quelques chiffres, bien sûr comme tout être humain il peut être amené à interpréter certain fait dans le sens de sa philosophie personnelle, mais on sent à la lecture de cet ouvrage la volonté de prendre en compte les opinions contraires à la sienne et de tenter une synthèse afin de ne pas sombrer dans l'utopie. À un moment ou l'on voit une montée en puissance de l'extrême droite et du repli sur soi qui se manifeste notamment en désignant comme coupable de tous nos malheurs l'étranger, j'ai reçu l'ouvrage de Thomas Piketty comme une bouffée d'oxygène, son message est empreint d'humanisme de souci d'égalité, de fraternité et de partage. C'est d'autant plus agréable que l'auteur sait de quoi il parle et ne s'improvise pas économiste comme beaucoup de nos hommes et femmes politiques à quelques mois des élections. Tout n'est pas perdu.

Un ouvrage très dense (il est la synthèse de plusieurs ouvrages de plus de 1000 pages) mais en même temps parfaitement clair, argumenté et documenté.

On peut légitimement se demander pourquoi un tel livre n'a pas la même audience que le récent ouvrage d'un certain Z qui utilise la campagne électorale pour promouvoir sa production littéraire et dont la doctrine politique est toute entière basée sur la fermeture des frontières et le rejet de tout ce qui n'est pas français, reprochant même aux parents le choix de certains prénoms et leur contestant le droit de décider du lieu de sépulture de leurs enfants.
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