Toujours pour alimenter ma soirée littéraire consacrée aux écrivains et gourmandise » relecture de « Le ventre des philosophes » de Michel Onfray. Une introduction pleine d'humour, une mise en bouche composée de saveurs satiriques, douces-amères, piquantes, qui ouvre effectivement l'appétit, et qui permet de poursuivre cet essai sous-intitulé « critique de la raison diététique » (clin d'oeil à Kant qui s'invitera plus loin à la table) autant d'agapes joyeuses, de bonnes chairs spirituelles offertes à nos papilles cérébrales. A lire, à déguster , à petites doses, pour pouvoir ingérer sans redouter l'indigestion.
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La trentaine passée, Emmanuel Kant s'abreuva tant dans l'un des cafés qu'il fréquentait avec habitude et modération qu'il ne put retrouver son domicile sis Magistergasse à Königsberg. Chaque soir, il jouait au billard et aux cartes, chaque midi, il prenait un verre de vin. Jamais de bière. Il était l'ennemi déclaré du breuvage national prussien, "un poison lent, mais mortel", qu'il percevait comme l'une des causes les plus importantes de mortalité et... d'hémorroïdes. Imaginer Kant amateur d'estaminet n'est pas sans étonner. Le piétiste austère, rigoureux, le philosophe ardu et exigeant n'en était pourtant pas moins un buveur et un mangeur averti, au point que son ami le conseiller secret Von Hippel lui disait souvent en plaisantant : "Vous écrirez bien encore, tôt ou tard, une critique de la cuisine ?" Hélas ! il n'y eut pas de Critique de la raison gastronomique. Là même où le penseur analyse le goût - dans sa Critique de la faculté de juger -, il ne laisse aucune place à la nourriture.
Lorsqu'il fait la théorie des sens, il détermine ceux qui sont supérieurs et objectifs - le toucher, la vue et l'ouïe - et ceux qui sont inférieurs et subjectifs - l'odorat et le goût. Le nez et le palais sont les organes des fonctions sans noblesse, car "la représentation qui se fait par eux est plus celle de la délectation que de la connaissance des objets extérieurs". Soit. Mais Kant omet d'intégrer l'imagination, la mémoire et l'entendement dans ce processus complexe qu'est la production d'une saveur et d'un jugement de goût buccal. Sans mémoire des saveurs, des mélanges sans imagination analytique et synthétique, sans saisie globale et particulière par l'entendement, il ne saurait être question de goûter. Et Kant le sait.
Alors que Voltaire invite ses complices épistoliers à lui rendre visite pour goûter « un dindon aux truffes de Ferney tendre comme un pigeonneau et gros comme l’évêque de Genève », du pâté de perdrix, des truites à la crème et du vin fin, Rousseau vante les mérites du laitage, des fruits et des légumes. En matière de mise en scène des repas, il donne dans le champêtre et sacrifie aux joies du pique-nique. L’idéal est d’arranger la dînette « près d’une source vive, sur l’herbe verdoyante et fraîche, sous des touffes d’aulnes et de coudriers (…) on aurait le gazon pour table et pour chaise, les bords de la fontaine serviraient de buffet et le dessert pendrait aux arbres ».
L’ivresse permet aussi l’expansion de la moralité : « Elle est véhicule matériel d’une qualité morale, la franchise. Retenir ses pensées est pour un cœur pur un état oppressant, et les joyeux buveurs, pour leur part, supportent mal qu’un homme dans une beuverie se montre très tempérant […]. La permission laissée à un homme de transgresser légèrement et un court moment, dans l’entrain de la réunion, la ligne frontière de la sobriété suppose de la bienveillance ».
Sade en dit plus qu’il n’en fait (…) En fait de repas fais de petits filles rôties et d’étrons glacés, Sade se contente d’une cuisine bien innocente. (…) Le dévoreur d’enfants aime par-dessus tout les volailles, les hachis, les compotes, la guimauve, les sucreries, les épices, les gâteries sucrées et lactées, les confitures, les meringues et les gâteaux au chocolat. Une dînette de petite fille modèle.
Précisons toutefois les défauts de Kant en matière d'art : ses références picturales sont maigres, sa connaissance de la peinture limitée, ses recours à la littérature quasi inexistants et son rapport à la musique est rien de moins que celui d'un sourd, amateur de fanfares.
*INTRODUCTION* :
_« […] Je veux seulement, Monsieur, vous faire part d'une chose que j'ai lue dans Montaigne, et qui marque son bon goût. Il souhaitait devenir assez savant pour faire un recueil des morts les plus éclatantes dont l'Histoire nous parle. Vous qui êtes son partisan, vous approuverez ce dessein que j'exécute en partie. En effet, le véritable point de vue où je placerais une personne qui veut bien juger du ridicule qui règne dans le monde, est le lit de mort. C'est là qu'on se détrompe nécessairement des chimères et des sottises qui font l'occupation des hommes. Nous sommes tous fous ; la folie des uns est plus bouillante, et celle des autres plus tranquille. »_ *André-François Boureau-Deslandes* [1690-1757], _À Monsieur de la Ch…_
_« Rien ne doit plus nous frapper dans l'histoire des grands hommes, que la manière dont ils soutiennent les approches du trépas. Je crois que ces derniers moments sont les seuls, où l'on ne puisse emprunter un visage étranger. Nous nous déguisons pendant la vie, mais le masque tombe à la vue de la mort, et l'Homme se voit, pour ainsi dire, dans son déshabillé. Quelle doit être alors la surprise ! Tout l'occupe sans le toucher : tout sert à faire évanouir ce dehors pompeux qui le cachait à lui-même. Il se trouve seul et sans idées flatteuses, par ce qu'il ne peut plus se prêter aux objets extérieurs. Cette vue a cela d'utile en flattant notre curiosité, qu'elle nous instruit. Il n'est rien de quoi, disait Montaigne, je m'informe si volontiers que de la mort des hommes, quelle parole, quel visage, quelle contenance ils y ont eus ; mille endroits des histoires que je remarque si attentivement. Il y paraît, à la farcissure de mes exemples, et que j'ai en particulière affection cette matière*._
_Je suis persuadé que la dernière heure de notre vie est celle qui décide de toutes les autres. »_ *(Chapitre III : Idée générale d'une mort plaisante.)*
* _« Et il n'est rien dont je m'informe si volontiers que de la mort des hommes, de quelle parole, quel visage, quelle contenante ils y ont eus, non plus qu'il n'est d'endroit dans les histoires que je remarque avec autant d'attention. Il apparaît à la farcissure de mes exemples que j'ai cette matière en particulière affection. Si j'étais faiseur de livres, je ferais un registre commenté des morts diverses. Qui apprendrait aux hommes à mourir leur apprendrait à vivre. »_ (« Chapitre XIX : Que philosopher c'est apprendre à mourir » _in Montaigne, Les essais,_ nouvelle édition établie par Bernard Combeaud, préface de Michel Onfray, Paris, Robert Laffont|Mollat, 2019, p. 160, « Bouquins ».)
*CHAPITRES* :
_Traduction d'un morceau considérable de Suétone_ :
0:02 — *Extrait*
0:24 — _Introduction_
_De quelques femmes qui sont mortes en plaisantant_ :
0:49 — *1er extrait* ;
2:08 — *2e*
_Additions à ce qui a été dit dans le IX et dans le XI chapitre_ :
3:15
_Remarque sur les dernières paroles d'Henri VIII, roi d'Angleterre, du Comte de Gramont, etc._ :
6:09 — *1er extrait* ;
6:36 — *2e*
_De la mort de Gassendi et du célèbre Hobbes_ :
7:45
_Remarques sur ceux qui ont composé des vers au lit de la mort_ :
10:47
_Examen de quelques inscriptions assez curieuses_ :
13:52
_Des grands hommes qui n'ont rien perdu de leur gaieté, lorsqu'on les menait au supplice_ :
14:33
_Extrait de quelques pensées de Montaigne_ :
15:31
_S'il y a de la bravoure à se donner la mort_ :
17:37 — *1er extrait* ;
18:57 — *2e*
_De quelques particularités qui concernent ce sujet_ :
19:14
19:28 — _Générique_
*RÉFÉ. BIBLIOGRAPHIQUE* :
André-François Boureau-Deslandes, _Réflexions sur les grands hommes qui sont morts en plaisantant,_ nouvelle édition, Amsterdam, Westeing, 1732, 300 p.
*IMAGE D'ILLUSTRATION* :
https://www.pinterest.com/pin/518547344600153627/
*BANDE SONORE* : Steven O'Brien — Piano Sonata No. 1 in F minor
Piano Sonata N0. 1 in F minor is licensed under a Creative Commons CC-BY-ND 4.0 license.
https://www.chosic.com/download-audio/46423/
https://www.steven-obrien.net/
*LIVRES DU VEILLEUR DES LIVRES* :
_CE MONDE SIMIEN_ :
https://youtu.be/REZ802zpqow
*VERSION PAPIER* _(Broché)_ : https://www.amazon.fr/dp/B0C6NCL9YH
*VERSION NUMÉRIQUE* _(.pdf)_ : https://payhip.com/b/VNA9W
_VOYAGE À PLOUTOPIE_ :
https://youtu.be/uUy7rRMyrHg
*VERSION PAPIER* _(Broché)_ : https://www.amazon.fr/dp/
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