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Critique de Annezzo


C'est Hans, un gars comme nous, à part qu'il est d'origine hollandaise.
Il a trouvé épouse à Londres, il est conseiller financier, tous deux déménagent en la bonne ville de New York .
Un gars comme nous, quoi.
Une vie comme la nôtre, qui tout à coup bascule après un évènement unique, local et mondial : l'attaque des tours jumelles le 11 septembre 2001. On a vu mille images. Mais évidemment, on n'a pas vu grand chose des gens qui n'ont pas été blessés ou voisins ou pompiers de cette malédiction, on n'a pas vu grand chose des gens comme nous, après ce qui est arrivé à leur ville. le livre se passe en 2002, les gens comme nous ne parlent pas forcément de cet évènement, pas la peine, ils parlent plutôt de ce qu'ils ressentent quand ils entendent un avion passer, ou les sirènes omniprésentes dans la ville. Un peu. Ils manquent de mots pour exprimer le sentiment d'insécurité qui les a saisis depuis ce jour funeste. Pas trop besoin de s'étendre, ils ressentent la même chose, il y a juste l'envie de se barrer qui est plus ou moins forte selon les gens.

Suis allée à New York six mois après, en février 2002, et le fait est, la ville était éteinte, comme anesthésiée. le 9/11 était partout, en petits détails disséminés dans la ville, sans parler du Ground Zero au trou comparable à ce qu'on pouvait avoir dans le coeur : énorme, béant, en un lent chantier qui rechignait à supprimer toute trace de l'évènement, en sachant que c'était pourtant nécessaire. Pas de lamentations, pas vraiment de haine. Juste, un K.O. général. Et effectivement, en voyant un avion passer dans le ciel, j'ai eu 5 secondes de trouille au ventre, prête à détaler. Et effectivement, dans un restaurant sur plateau tournant à 360°, perché au 48ème étage, The View, j'ai eu l'estomac noué et j'ai repéré les issues par où se barrer. Même au coeur de la ville moderne par excellence, parfois on redevient ce petit mammifère qui a survécu mieux que les dinosaures à la chute d'une météore géante…

Notre Hans n'est pas un foudre de guerre - puisque c'est un gars comme nous. Sa femme anglaise a de plus en plus de mal à supporter cette inquiétude, et émet de plus en plus l'envie de retourner au pays avec leur petit garçon - après tout, pourquoi se faire du mal ! Lui, moins déterminé, trouve une sorte d'échappatoire à tout ce tourment, un échappatoire qui en vaut un autre, même si c'est un univers cocasse dont on ne sait rien : le cricket. le cricket à New York.
Et autour de ce sport qui réunit des foules immenses en Inde ou au Pakistan, tournicotent des personnages sympas, cocasses aussi, avec d'autres critères que les nôtres. Pas un Américain pour se passionner pour ce so britisho-colonialiste sport : les crickètistes du livre viennent de Trinidad, de Guyane, sont hindouistes ou musulmans ou sikhs et même chrétiens, avec une peau noire "comme du Coca Cola" ou ambrée… ou très blanche, comme celle de Hans, le seul white de la troupe. Ils vivent à New York, certes, mais que connait-on de ce New York sur les bords, dans le fin fond du Queens ou de Staten Island ? Ce New York de petites îles en friche pleines de cabanons (comme là où vit Patti Smith), tous ces New York réunis grâce au ferry de Battery Park à la pointe de Manhattan, ces petits quartiers en bourgades, ces terrains vagues, ces plages oubliées, qui sont aussi New York. Ce roman nous les fait découvrir, ce n'est pas le moindre de ses avantages.
Comme il nous fait découvrir la vie étrange dans ce monument du coeur de Manhattan, où s'est installé Hans : le Chelsea Hôtel. Ce lieu culte chanté par Leonard Cohen (qui parlait de sa rencontre là avec Janis Joplin) est un immeuble de location foutraque, et un hôtel toutefois, bordélique, anarchiste, hélas en travaux quand j'y suis passée. Séjourner au Chelsea Hotel, c'était entrer dans une page de l'histoire récente, je n'ai pas pu le faire, Hans nous l'apporte sur un plateau. Avec là aussi sa galerie de personnages.
Mandieu que ça donne envie d'y retourner, même pas je vous raconte.
Hans se fait une sorte d'ami, un gars virevoltant, un Trinidadéen, Chuck. Qui rêve d'installer le cricket en Amérique, calculant qu'avec tous les originaires d'Inde ou du Pakistan aux USA, les passages télé cartonneraient en pub - ce que ne nie pas le conseiller en investissement qu'est Hans. le rêve de Chuck nécessite de trouver un terrain en friche, suffisamment grand - pas comme celui où tous les crickètophiles new-yorkais se retrouvent, un peu à l'étroit - et de l'aménager spécifiquement pour le cricket. Hans est pris dans ce tourbillon d'énergie, à cent mille lieux de la tragédie du 11 septembre. Pris par cette envie de rêver, de construire, pris par l'ambiance mise par les Caraïbéens, ni meilleurs ni pires que les autres, mais qui parlent d'autre chose.

Je ne suis pas sûre d'avoir tout compris, un peu perdue dans cet univers, comme Hans… Normal, c'est un gars comme nous. Mais je me suis laissée porter avec intérêt, curiosité, et affection. Pour tout ce petit monde. le nôtre. le leur. le monde, quoi.
Je viens d'apprendre que Barack Obama a adoré ce bouquin, même en avouant qu'il n'y connait rien au cricket. Décidément, avec l'amour qu'on a en commun pour Omar Little (les Sur Ecoute comprendront !), on aurait les mêmes goûts alors ? Eh normal, Barack, c'est aussi un gars comme nous…
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