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Critique de Seraphita


Le vingtième siècle s'ouvre sur la Virginie Occidentale et avec lui la soif de conquête sur des terres dotées d'un potentiel pécuniaire certain. Des forêts gigantesques les recouvrent et des compagnies industrielles s'y installent pour exploiter le bois. Chassé par sa famille, Cur se met en quête d'un travail. Il va rejoindre la cohorte des « Loups de la forêt », bûcherons intrépides attirés par la promesse du gain et d'une vie meilleure. Mais Cur découvre très vite que les conditions de travail sont impitoyables, le salaire dérisoire au vu des risques encourus. Et il rejoint un syndicat clandestin qui fomente une grève. Cur suivra-t-il ses compagnons jusqu'au bout de leur détermination ?

« le miel du lion » est le premier roman de l'américain Matthew Neill Null. Ce long roman, salué par les critiques, conjugue plusieurs dimensions. La première est historique et dénonce le capitalisme débridé d'une jeune Amérique qui, tel un rouleau compresseur, anéantit la force de travail et broie l'humanité et les espoirs des employés. Face aux tout-puissants patrons, un syndicalisme bégayant se met en place. Dès lors, des réflexions éthiques se font jour autour des droits des travailleurs et de l'humanité de leur condition de travail.
L'auteur dénonce également, à l'instar de Ron Rash qui salue en ce livre un premier roman exceptionnel, la destruction de l'environnement par l'homme. A ce titre, on trouve vers la fin de bouleversantes descriptions des montagnes dont les forêts ont été arasées par la main laborieuse de l'homme.
En filigrane, c'est la dimension humaine qui ourle l'ouvrage. L'auteur dépeint une galerie de personnages forts, non tant parce qu'ils sont des rocs inamovibles, mais bien plutôt que derrière une solidité de façade vient sourdre une vulnérabilité qui les rend d'autant plus humains et attachants.
Se côtoient un pasteur désabusé qui se sent délaissé par Dieu et en vient à douter de sa mission, un jeune homme banni par sa famille, qui recherche parmi ses collègues la figure du père absent et qui peine à inventer et suivre ses propres choix, préférant se calquer dans ceux des autres, un colporteur syrien idéaliste, ... L'auteur décrit l'humanité dans ses différentes facettes depuis ses rêves jusqu'à ses desseins et travers les plus noirs.
Au long de l'intrigue, les descriptions sont poignantes et rendent les paysages saisissants dans leur beauté et leur dureté : « Jeté là par une main frivole, un éboulis de blocs de grès luisait d'un blanc de phosphore. le vent mugissait et les oiseaux faisaient du sur-place tels des cerfs-volants retenus par un fil. Les crêtes se fracassaient sur la ligne d'horizon, confins de terre et de ciel arrachés du sol par la hachette de Dieu lui-même, qui avait ouvert le paysage à la présence futile de l'homme. » (p. 129)
Magnifiée par ce style puissant, l'intrigue prend une densité et un souffle lyrique qui nous entraîne dans le début d'un siècle et les rêves d'hommes en quête d'une vie meilleure.
Malgré tout, le roman reste long au risque de perdre le lecteur et d'embourber le dynamisme insufflé au départ. Pour autant, un souffle humain le traverse de bout en bout et l'on mesure, au fil des pages, combien ces vastes forêts de Virginie Occidentale deviennent le tombeau d'utopies révolutionnaires.
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