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Critique de Denis_76


« Nous autres, athées », dit le père Nietzsche ; « vous autres, croyants ». Je suis croyant, mais j'aime beaucoup Nietzsche. Vous allez comprendre pourquoi.
D'abord, on ne lit pas Nietzsche, on l'épluche, on le décortique, un peu comme les crevettes dont on se délecte ensuite.
De quoi s'agit-il ici, en 1882 ?
C'est une lutte contre :
1 ) La croyance religieuse ;
2 ) La morale religieuse ;
3 ) et un peu contre le travail.
On peut opposer le Gai Savoir au savoir grave des prêtres, et l'auteur, fils de pasteur, luttera sur plusieurs livres contre la religion, mais surtout sur l'influence des prêches sur le peuple.
Friedrich Nietzsche est un lutteur, sa carrure ramassée, ses écrits puissants en font à mes yeux, bien que sur un terrain différent, l'égal de Victor Hugo ou Emile Zola, mes deux autres chouchous du XIXè siècle.
Le Gai Savoir, est, je pense, un livre essentiel dans la pensée nietzschéenne : il annonce la venue de Zarathoustra.
Nietzsche est un naturaliste, un moniste : il pense qu'une âme transcendante n'existe pas.
Dans le contenu de l'oeuvre, pendant les quatre premiers « livres », Nietzsche lutte, à coup d'aphorismes contre la religion.

En général, Nietzsche conçoit ses aphorismes en deux parties.Quand on comprend que son mode de fonctionnement est binaire, c'est gagné :
"vous autres croyants", "nous autres athées", et chaque aphorisme est en général dédié à "vous autres", puis à "nous autres".

En première partie, ce n'est pas dit clairement, mais d'abord il sous-entend beaucoup :
« Vous autres, les chrétiens, êtes... on dirait maintenant
basés, conditionnés, manipulés sur une morale de préjugés collectifs, avec un impératif : du muss ! »….
Pour lui, la religion est un « prêt à penser » qui rassure et occupe le peuple, un peu comme « panem et cicenses » au temps de Rome, et empêche les gens de réfléchir par eux-mêmes.

En deuxième partie de l'aphorisme, il passe à « nous autres, les philosophes, ou les penseurs, ou les athées… », et nous convie au Gai savoir, qui est au contraire, un militantisme pour le recueillement à partir du vécu intime et individuel propre, dans son « connais-toi toi-même », afin d'évoluer vers l'art philosophique, c'est-à-dire la création de pensées propres, permettant à l'être humain d'évoluer vers son libre-arbitre, sa liberté :
la morale est à bannir, il faut voyager, danser par dessus la morale chrétienne, "par-delà le bien et le mal", pour acquérir chacun son libre-arbitre. Ultérieurement, il fera d'ailleurs un livre sur ce thème.
Ses arguments tournent autour du fait que la pensée et la morale chrétienne sont des jugements globaux et culpabilisants, mettant les gens dans des cases, une sorte de prison mentale, alors qu'il vaut mieux aller vers la vraie Lumière, la liberté de penser.
Il avoue avoir été précédé par :
1 ) Luther (c'est un hommage indirect à son père, pasteur ), qui a permis une première libération mentale du peuple par rapport au catholicisme rigide, puis
2 ) une deuxième libération par Schopenhauer, premier philosophe allemand athée.

Là où Nietzsche est innovant, c'est que :
1 ) Il attaque la morale : elle est composée de valeurs et de jugements. Il est d'accord que des valeurs doivent exister, mais pas les jugements, paroles condamnantes, humiliantes.
2 ) Il attaque aussi, dans un aphorisme, le travail, qui empêche le peuple de réfléchir.

Enfin, au livre 5 de l'oeuvre, grande nouvelle, l'auteur annonce que « Dieu est mort » !
Grande nouvelle ! Nous savons maintenant que les ténèbres de la morale se sont enfuies, une grande lumière nous éblouit !
Mais que va faire le vieux lutteur, maintenant qu'il n'a plus d'adversaire ?
Eh bien, il va bâtir un projet : Dieu et Jésus sont morts, un nouveau prophète va émerger et se recueillir sur la montagne : Zarathoustra !

Cependant, il s'aperçoit que ce projet ne se montera pas sans difficultés :
En effet, le peuple, croyant et pratiquant dans l'ensemble, communique plus avec le prêtre qu'avec le philosophe, trop distant. Nietzsche s'aperçoit que créer un nouveau Jésus athée ayant autant de renom que l'original, ne sera pas chose facile.

D'autant plus qu'il a conscience que dans nos projets, "nous autres philosophes" avons tendance à nous éloigner du peuple... Mais c'est volontaire, dit-il à la fin, nous choisissons nos lecteurs par une "écriture incompréhensible".
Je passerai sous silence son "fourbi" habituel : recettes de savoir-vivre, hors sujets, incohérences dû à un vocabulaire volontairement ou non imprécis ou confus, vocabulaire spécifique, aphorismes "planants", où il a peut être fumé la moquette, et même quelques hypothèses fausses.
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Cependant, lire Nietzsche, ce "conquérant-explorateur de l'idéal" est, à chaque fois, une belle expérience, et j'ai éclaté de rire quand il a sorti, vers la fin du livre :
" nous autres, élus de Dieu" !!!
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