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Critique de R-MDominik


Ce « roman » puisque c'est ainsi qu'il est présenté, est fait de petits paragraphes numérotés et regroupés par thème au sein de dix chapitres. Dit comme ça, cela peut paraître aride ou réducteur à certains. Il n'en est rien, la respiration entre chaque paragraphe fait aussi partie du roman, tant il est vrai qu'un roman n'est définitivement écrit que lorsqu'un lecteur s'en empare.

« L'art de lier les êtres au lit.
L'art de lier les êtres à la réalité.
L'art de lier les êtres à eux-mêmes.
Lier les êtres est un art.
Insaisissable. »

Paolo Milone est un psychiatre, Paolo est un bel écrivain aussi.
Un surprenant romancier.

Il dit des choses comme
« Quand un paysan montre un produit de son jardin il tend son bâton pour le désigner.
Lorsque, étudiant, pour la première fois, j'ai suivi un psychiatre chevronné aux urgences, il s'est arrêté à quatre mètres du patient pour l'interroger à travers la porte.
Il y a deux types de psychiatrie, celle du long bâton et celle du bâton court.
Le vaste monde de la psychiatrie s'ouvre grand quand on s'approche à deux mètres du patient. Si on s'approche à un mètre, ça devient fantasmagorique. Si on s'approche davantage, ça devient un enfer. »
Mais aussi :
« Si je vois quelqu'un qui bascule, je tends la main pour l'empêcher de tomber et tandis que je le tiens, je lui demande ce qu'il voit. Je suis un lâche contemplant l'abîme avec les yeux des autres »
Le psychiatre c'est probablement la personne la mieux placée pour savoir le nombre de personnes cachées dans toute ville, de personnes qui vivent dans la terreur, ou loin de notre tumulte au plus près du leur.
Il se sent souvent seul, désarmé :
« Parfois tu (une patiente) provoque en moi un tel sentiment de solitude que, une fois l'entretien terminé, je dois appeler ma femme ; si je ne la trouve pas, j'appelle ma fille ; si je ne la trouve pas, un ami.
Je commence : c'est moi, et puis je ne sais pas dire pourquoi j'appelle »
Et parfois il n'y a pas moyen de l'éviter et qu'il faut pratiquer un SSC (en psychiatrie, soin sans consentement).
Il sait utiliser la conjugaison en diagnostic, détailler des dépressifs, des euphoriques, des schizophrènes, des caractériels, des névrosés, par l'emploi qu'ils font de la conjugaison.
Il sait aussi parler de ses patient·e·s avec une infinie tendresse, frustré de parfois rester à la grille de leur jardin secret, ce jardin qu'il pressent, dont il devine les plantes, les fleurs, les aromates…
Et le psychiatre est un être humain, avec ses forces, ses faiblesses, ses certitudes et surtout ses incertitudes.
La frontière est mince, la limite vite atteinte.
« La première fois que ça t'arrive, tu t'étonnes : suis-je tombé amoureux d'une patiente ? Je pense à elle, elle me plaît, je la désire… (…) J'ai le plus de patients possible, pour ne pas m'attacher »
Et si, en fin de compte, au travers des cas qu'il évoque, il nous racontait nous-même, Paolo ? Si nous étions tous un peu ses malades d'une certaine manière ?
Je me sens si proche parfois de ses patients, et c'est aussi de l'être humain Paolo dont, finalement, je me sens proche…

Je pourrais volontiers multiplier par dix le nombre de citations que je ne donnerais qu'un mince aperçu de ce « roman ».
Parfois je me demande ce que signifie vraiment l'expression « livre de chevet », je crois que je viens de la comprendre.

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