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Critique de Kirzy


Nasstaja Martin est une anthropoloque spécialisée dans les peuples arctiques, détentrice d'une thèse sur les Gwich'in d'Alaska et du Yukon. Ici, direction la péninsule du Kamtchatka dans l'extrême-orient sibérien chez les Evènes, plus particulièrement dans un clan ayant fait le choix de vivre en forêt profonde au plus près de la nature pour retisser un dialogue avec les être non humains qui parcourent leur territoire.

Le sujet en soi est passionnant mais là il devient captivant, c'est par le je de l'auteure qui raconte sa transformation après avoir survécu à une attaque d'ours qui lui a déchiqueté le visage. Mais là, où n'importe qui n'aurait lu dans cet événement qu'une simple attaque, terrible mais une attaque, Nasstaja Martin propose une autre lecture, celle d'une confrontation.

Un des évènes dont elle proche lui explique que si elle a été attaqué, c'est parce que son regard a croisé celui de l'ours, et que lorsque ce dernier y a vu un fonds commun, un miroir de son âme. Nasstaja Martin explique d'ailleurs comment, avant la rencontre avec l'ours, elle était déjà surnommée « matukha », l'ourse, comment ses rêves préfiguraient le moment, peuplés d'ours.

Cette vision des choses est forcément troublante et déstabilisante pour un occidental non initié à l'animisme. Il faut l'accepter pour apprécier ce récit très singulier, très éloigné du naturalisme qui voit en l'animal une altérité. Nasstaja dit être devenue une « miedka », «  celle qui vit entre les mondes » un être qui est passé sans retour au-delà des frontières de la normalité humaine, portant une part d'ours en elle, comme l'ours en porte une d'elle en lui.

Bien sûr, le récit narre aussi du très factuel comme le marathon médical de la reconstruction faciale, mais c'est avant tout une plongée dans la pensée vive et habité d'une femme incroyable de force et de caractère, quasi un manifeste en quête de guérison ontologique. Cela fuse tellement que c'en est un tourbillon, parfois complexe à suivre, mais cela ne m'a pas gênée, sans doute parce que ce voyage intérieur tout en mouvement est conté avec une écriture toute aussi intense que le propos. Nasstaja Martin est une écrivaine, c'est une évidence.

Un récit captivant et iconoclaste, secoué d'émotions fortes, qui pousse indéniablement à une réflexion profonde sur nos valeurs occidentales et notre rapport à la nature. Suffisamment puissant pour chambouler nos certitudes.


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