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Critique de Lune


Ce livre était à écrire. Frédéric Martel l'a fait.
Fruit de quatre années d'enquêtes, d'interviews, d'études, ce livre présente sans jugements ni à-prioris les faits, rien que les faits.
Résultats de ceux qui ont accepté de parler, ceux qui ont osé dire et ceux qui, par leur silence, n'en n'ont pas moins exprimé.
Aucune concession, aucune hypocrisie dans ce qui nous est révélé : la réalité certes brutale mais ô combien nécessaire.
Les clans homosexuels (et non le « lobby ») sortent des pénombres vaticanesques et l'homosexualité assumée ou pas, pratiquante ou pas, en « amour d'amitié » ou plus se révèle à travers pays, diocèse, simple curie…
Que les choses soient claires et répétées, il s'agit ici d'homosexualité et non de pédophilie : confusion parfois entretenue par certains protagonistes et non des moindres. Le scandale de la pédophilie est évoqué et malheureusement y sont montrées les dérives du sacro-saint silence et de la protection des coupables jusqu'à Benoît XVI, allant jusqu'à oublier les victimes.
Le propos du livre dénonce l'hypocrisie entourant cette homosexualité non assumée à l'extérieur, allant jusqu'à la condamnation violente tout en étant (souvent) vécue et/ou pratiquée (parfois jusqu'à l'excès) derrière les murs du Saint-Siège ou dans les quartiers, bars, hôtels et autres lieux de la prostitution. Un schéma presqu'identique se retrouve dans beaucoup de grandes villes des pays évoqués dont l'Amérique latine constitue le fleuron.
Les nombreux motifs qui tentent de justifier ce refus de la vérité sont développés : hiérarchie, jalousie, argent, peur de s'assumer, etc…
Se dressent rivalités, magouilles, injustices, mépris, compétitions qui transparaissent dans les témoignages et la logorrhée de certains cardinaux, évêques, nonces, monsignori, prêtres… qui contribuent à ternir l'image sacrée maintenue à regret depuis des siècles.
Protections liées parfois à la politique, souvent à l'argent (luxe effréné), guerres entre clans homosexuels, caricatures (ex. la capa magna du cardinal Burke), manipulations et j'en passe sont le lot de ce monde cloisonné dont on ne peut que se réjouir de son éclatement.
Un fil rouge dans ce livre, celui du « Poète », Arthur Rimbaud, l' « extra-lucide »dont les citations montrent à quel point, plus d'un siècle plus tard, la difficulté de révéler et de mettre à mal ce système qui brisa tant d'existences est difficile.
Un livre qui permet de comprendre les positions, les déclarations alambiquées de l'église catholique.
Un livre qui peut déranger car il rappelle que :

1. le pis est non seulement l'hypocrisie mais aussi le combat que ces religieux mènent contre ce qu'ils sont et les interdictions et condamnations qui en découlent.
2. ce combat de façade contre l'homosexualité masque la lutte contre la pédophilie avec une évolution positive depuis l'arrivée de François.
3. le refus de reconnaître l'évolution de la société (famille recomposée, mariage des prêtres, ordination des femmes, contraception…)

Une des conséquences est que l'église catholique en perte de vitesse depuis quelques décennies continue de perdre du crédit (il suffit de voir les derniers scandales depuis la parution du livre pourtant récent) et comme dit l'auteur, bien des choses restent à écrire !!!
Tous ces problèmes conduisent à des problèmes de corruption (politique, financière…) et aboutissent à un affaiblissement de la croyance pratiquante en cette église.
Ce livre me renforce dans l'idée qu'il m'est difficile d'accepter qu'un poids culpabilisateur puisse encore peser sur la conduite morale à adopter.
Que ce livre soit un révélateur, une prise de conscience, une réflexion donnant lieu à une « parole habitée » et Frédéric Martel aura gagné la récompense suprême de ces années de recherches sociologiques intenses.




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