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Critique de MarcelineBodier


Samarcande est un livre en deux parties. La première se passe au 11ème siècle, en Perse. Elle relate la vie d'Omar Khayyam, poète et scientifique. Il a consigné ses poèmes et ses pensées dans un manuscrit qui lui a été volé par Hassan Sabbah, le fondateur de la ligue des Assassins. Le manuscrit a été conservé dans la forteresse d'Alamut, avant de disparaître dans l'incendie qui l'a ravagée deux siècles plus tard.

La deuxième partie se passe à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème. Le personnage principal est Benjamin Lesage, un Américain qui part en Perse à la recherche de ce manuscrit, parce qu'il a entendu dire qu'il a été sauvé des flammes d'Alamut. C'est un personnage de fiction, mais il est plongé au coeur des remous politiques de la Perse de son époque, dont il est une sorte de témoin privilégié auprès de personnages qui ont réellement existé.

J'avais un très bon souvenir d'une première lecture de Samarcande dans les années 1990. Je l'ai donc choisi dans le cadre d'un dîner littéraire sur le thème de la littérature du Moyen-Orient : c'était l'occasion de m'y replonger. Mais je n'ai pas eu la même impression qu'il y a 25 ans... car finalement, à qui peut plaire ce livre ?

Aux amateurs d'histoires avec un petit h et un s à la fin, d'abord. Car il y en a plusieurs : l'histoire de Khayyam et Hassan Sabbah, celle de Khayyam et Djahane, celle de Khayyam et Vartan... l'histoire de Benjamin et Chirine... Et surtout, l'histoire du manuscrit, que j'ai trouvée trouve fascinante. On a très envie de se dire que c'est vrai, que le manuscrit a survécu, et qu'aujourd'hui, il nous attend de nouveau dans un lieu inaccessible mais où on peut rêver qu'il est en sécurité.

Ensuite, il peut plaire aux amateurs d'Histoire, avec un grand H et pas de s à la fin. Parce que plusieurs pans de l'histoire de la Perse (de l'Iran, donc) sont racontés. Il est également beaucoup question d'islam, une religion comme les autres, avec ses décalages entre un dogme supposé et des pratiques qui changent avec les lieux, les époques et l'instrumentalisation politique qui en est éventuellement faite. Il y a notamment des éclaircissements sur les mystérieuses différentes entre Sunnites et Chiites. Plus encore qu'à des amateurs d'Histoire, c'est à des amateurs d'Histoire en tant qu'elle éclaire le présent que s'adresse ce livre.

Par contre, ce n'est pas un livre pour amateurs de profondeur psychologique, dont je fais partie : c'est sans doute ce qui m'a le plus manqué lors de ma deuxième lecture. On n'a pas beaucoup accès aux pensées intimes d'Omar Khayyam. Pourtant, même aujourd'hui, sa position de retrait du monde serait considérée comme originale. Quand Djahane vient le voir avec une question brûlante, un choix politique à faire dont va découler le sort du pays et qui décidera aussi de sa propre survie, il lui propose juste de tout quitter, de laisser les fauves s'entre-tuer et de vivre avec lui d'amour, de vin, de poésie et d'étude. "Un rejeton de sultan turc remplace un autre rejeton, un vizir écarte un vizir, par Dieu, Djahane, comment peux-tu passer les plus belles années de ta vie dans cette cage aux fauves ? Laisse-les s'égorger, tuer et mourir. Le soleil en sera-t-il moins éclatant, le vin en sera-t-il moins suave ? [...] Si tu attaches encore la moindre valeur à notre amour, viens avec moi, Djahane, la table est mise sur la terrasse, un vent léger nous vient des monts Jaunes, dans deux heures nous serons ivres, nous irons nous coucher. Aux servantes je dirai de ne pas nous réveiller quand Ispahan changera de maître". Ô combien me plaisent ces phrases... mais une fois qu'elles sont prononcées et que Djahane fait son choix, on n'en sait pas plus.

Alors si vous êtes différent de moi et que vous êtes soulagé à l'idée qu'on ne vous inflige pas les tourments intérieurs du personnage qui tient ce discours, n'hésitez pas, lisez ce livre. Mais si vous me ressemblez et que ce moment où on n'en sait pas plus, est justement celui où vous trouvez qu'on aurait enfin pu entrer dans le vif du sujet, alors hésitez et peut-être même, passez votre chemin... ou lisez directement les robaÿat d'Omar Khayyam.
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