AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de ChaiandPages


Liuba Gabriele rend hommage à la merveilleuse poétesse américaine du XIXe siècle, Emily Dickinson. Elle fait le choix de ne pas traiter toute sa vie mais effleure chronologiquement une enfance mal aimée par des parents austères étrangers à la joie, une adolescence par un amour contrarié avec la future femme de son frère, Susan Hunting Gilbert et une vie d'adulte introvertie et recluse.

Elle dresse le portrait d'une femme passionnée et passionnante en conflit avec la vie, sous patterns ultra colorés. Les couleurs sont vives et les compositions régulièrement surchargées par des motifs créatifs qui puisent leurs inspirations dans un romantisme de l'époque victorienne. Les illustrations tout en rondeur, que je suppose aux crayons de couleur et aux pastels, semblent prendre vie en rendant le récit biographique immersif tout autant que le choix d'une narratrice interne. C'est Emily qui raconte en s'adressant à Dieu, un peu à la manière d'une voix off qui rythme les pages. Je vois aussi dans cette voix, un clin d'oeil aux milliers de correspondances qu'Emily entretenait avec ses proches et ses connaissances, alors qu'elle avait fait le choix, adulte, de demeurer recluse.

La dessinatrice italienne aborde ses planches avec beaucoup de précision avec des perceptives et des compositions complexes qui tendent parfois vers des situations imagées presque surréalistes comme par exemple lorsqu'elle laisse visuellement entrer un ciel parsemé de nuages dans une pièce. Par ce biais, elle retranscrit la liberté et la joie d'Emily enfant qui court dans la forêt, le mouvement est palpable, on sent presque le parfum des fleurs que l'on retrouve quasiment dans chaque case, que la poétesse associait toujours à des sentiments et des idées symboliques dans ses poèmes. Mais Emily, n'est pas que joie et bonheur, elle est fascinée par le morbide et la mort et pour matérialiser cette fascination autant que cette angoisse, Liuba Gabriele crée, le cavalier, un personnage cadavérique à l'immense cape noire, qui hante les pages dès qu'une morte frappe l'entourage de la protagoniste, jusqu'à danser avec Emily une sorte de tango mortuaire en double pages.

En guise de prologue, Lavinia, la soeur cadette d'Emily trahit sa promesse (pour notre plus grand bonheur), elle découvre ses poèmes et rend Emily Dickinson immortelle !

Bien que j'ai vraiment beaucoup aimé le style graphique de Liuba Gabriele, j'ai un petit bémol sur l'utilisation du crayon à papier (ou simplement du crayon de couleur gris) qui est trop présent sur le contour des visages et des mains. Leur présence peu définie m'a donné un sentiment d'inachevé, comme une étape préliminaire au dessin final qu'on a oublié d'effacer. Ce crayon m'a sorti de l'onirisme et de la beauté de certaines illustrations. Aussi, je crois que j'aurai aimé une immersion plus importante dans l'oeuvre d'Emily Dickinson, peut-être des apartés, des extraits de ses poèmes mis en image ?

** Lu dans le cadre du Grand Prix de la BD ELLE 2024
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}