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Critique de tiben


Impressionné… tant ce roman est impressionnant !

« Lis-moi sans trop me juger, Lucilius, et rends-moi cette justice : demande-toi, en toute honnêteté, ce que tu aurais fait à ma place, et si tu aurais su réussir là où j'ai échoué. Voilà l'ultime faveur que je te demande. Ensuite, tu brûleras cette lettre, si tu tiens à ta sécurité. »

Je n'aurais pas la prétention de me prendre pour Lucilius. J'en ai encore moins la tentation tant je suis à des années lumières de son talent. S'il m'est compliqué voire impossible d'être lucide, je puis affirmer avec certitude ce qui précède. J'aime lire de tout. Comme beaucoup, en fonction des périodes, j'ai besoin de léger, j'ai besoin de belles histoires que d'aucuns dévalorisent alors qu'elles émeuvent et touchent. J'aime également quand la lecture m'apporte une élévation, me cultive, me passionne et me donne envie de dévorer d'autres écrits complémentaires au grand désarroi de mon banquier. J'ai retrouvé tout cela dans l'ami du prince, le passionnant et formidable roman de Marianne Jaeglé.

« Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas, mais parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles ». J'ai écrit à de nombreuses reprises dans le passé cette citation de Sénèque, cet homme d'État romain, dramaturge et philosophe de l'école stoïcienne. Il faut également l'ami du Prince, l'ami de Néron (Néro dans le roman) dont il fut le précepteur, le conseiller.

« Tu le sais, l'essentiel de cet écrit réside en peu de mots : on doit punir, non pour châtier, encore moins pour assouvir sa colère, mais pour prévenir. Gouverner consiste en cela : regarder devant soi, et tenter d'empêcher des maux à venir. Il ne s'agit pas de chercher à rendre justice à la place des dieux, encore moins d'assouvir quelque vindicte que ce soit. »

Marianne Jaeglé donne la parole à Sénèque dans ses ultimes instants avant sa mort. Il retrace dans une lettre à Lucilius sa vie, ses fiertés et ses désarrois, son aveuglement et sa culpabilité. Il évoque les manigances d'Aggripine, la mise à l'écart de Britannicus, le prince légitime et tous les différents décès « douteux ». Elle éclaire la naissance d'un tyran et surtout elle guide le lecteur à s'interroger « comme s'il était à la place de Sénèque.

« Ce n'est ni la richesse ni le pouvoir qui peuvent nous élever, expliquais-je, mais la sagesse, le détachement, l'excellence de notre âme, qu'il nous revient de façonner. Là est la véritable opulence, là est le véritable objectif de qui veut vivre sagement. »

L'écriture est somptueuse et captivante alors même que la lecture est exigeante. L'empire romain, la philosophie, les locutions latines… c'est loin et ce n'est pas forcément accessible au commun des mortels. Pour autant, c'est tellement juste et immersif que cela en est bouleversant.
A l'instar d'un repas gastronomique, on déguste chaque plat avec délice. On s'imagine à la place de Sénèque. le cerveau phosphore, les questions fusent tant ce que nous vivons aujourd'hui résonne avec ce qui est couché sur le papier.
On réouvre les « vraies » lettres à Lucilius, on parcourt de la brièveté de la vie et de la vie heureuse… On s'évade et on s'élève. Quelle réussite, quel bonheur !

« Vivre, c'est être utile aux autres ! Vivre, c'est profiter de soi ! »
Quelle merveilleuse conclusion à ce moment hors du temps que Marianne Jaeglé offre à ses lecteurs. La postface conclut idéalement ce texte.

L'ami du prince, une biographie romancée passionnante, une lecture nécessaire et j'ose ajouter indispensable.


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