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Critique de Cancie


Pour avoir rendu quelques services à la Résistance, Mila, de son vrai nom Suzanne, après avoir été dénoncée, a été arrêtée, emprisonnée puis déportée en Allemagne. Au printemps 1944, elles sont 400 femmes comme Mila parties de Romainville qui arrivent épuisées devant l'entrée du camp de Ravensbrück qui compte plus de quarante mille femmes. Mais voilà, dans ce lieu où la mort règne, Mila est enceinte et veut que sa grossesse reste invisible et dans sa tête les questions se bousculent, ignorante de son propre corps. Après la mort de Lisette, la cousine de Mila, Teresa va se rapprocher d'elle et sera là pour lui insuffler le devoir de tenir et partagera maintenant avec elle le double fardeau.
Lors de la naissance de l'enfant, elle découvrira alors, à l'infirmerie, la Kinderzimmer, la chambre des enfants.
Avec ce roman, Valentine Goby révèle une parfaite connaissance de l'époque et nous dévoile l'existence de cette Kinderzimmer qui a vraiment existé et dans laquelle la grande résistante Marie-Jo Chombart de Lauwe, a oeuvré tant qu'elle a pu pour sauver les vies de ces bébés de la mort et à qui cet ouvrage est dédié.
Valentine Goby a rédigé là, un livre remarquable écrit au présent qui nous plonge véritablement dans cet enfer concentrationnaire et ceci sans pathos malgré l'horreur décrite avec précision. Rien ne nous est épargné de la faim, du froid, de la promiscuité, du supplice de l'Appell qui peut durer des heures et où les déportées doivent se tenir immobiles dans le froid glacial, telles des stèles, de la peur de la maladie et de devoir aller au Revier, l'infirmerie véritable antichambre de la mort.
Pour ce qui est de la Kinderzimmer, ce n'est qu'en septembre 1944 que les nazis décidèrent de la créer. Jusque-là, les déportées enceintes étaient obligées d'avorter, même tardivement.
Néanmoins l'espérance de vie des nourrissons était très limitée, elle tournait autour de trois mois et très rapidement les bébés déclinaient et mouraient. L'auteure s'attache à montrer le courage, la solidarité et l'ingéniosité dont vont faire preuve les compagnes de Mila pour garder cet enfant en vie, enfant qui, pour elles toutes est un ultime espoir dans cet enfer.
Seulement trois enfants français nés à Ravensbrück ont survécu.
Avec cette fiction romanesque, Valentine Goby porte à notre connaissance un aspect peu connu de la vie des camps, à savoir la naissance de bébés dans les camps de concentration. À la fin du bouquin, elle n'omet pas de parler de la joie lors du retour de retrouver certains proches mais surtout de la communication presque impossible à établir. « Ils disent qu'ils ont eu peur pour elle. … En fait, ils ont peur d'elle . Ce qu'elle a vu, entendu, ils ne veulent pas le voir, pas l'entendre ». « Elle sait qu'elle va porter Ravensbrück comme elle a porté son enfant : seule et en secret ».
C'est un livre qui se lit avec douleur, c'est une lecture éprouvante et qui secoue mais une lecture ô combien nécessaire pour ne pas oublier et éviter que l'homme ne retombe dans ce complet avilissement !
Je suis restée sidérée, tétanisée devant cette cruauté monstrueuse perpétrée par des hommes et des femmes, envers leurs semblables. Peut-on, d'ailleurs, encore dénommer ainsi ces bourreaux, véritables barbares? Mais je suis également restée ébahie et quasi incrédule devant le courage, l ‘énergie, l'audace souvent dont ont du faire preuve ces femmes pour supporter ces conditions inqualifiables.
L'écriture est brillante, juste, sobre et terriblement percutante et impressionnante.
Kinderzimmer prouve déjà tout le talent littéraire de Valentine Goby que j'avais déjà eu le plaisir de découvrir avec Un paquebot dans les arbres et Murène.

Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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