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Critique de berni_29


L'homme qui plantait des arbres est une histoire merveilleuse et étonnante...
Le texte est une forme de légende aussi mystérieuse que la rencontre qui aurait pu se faire entre un écrivain et un berger.
L'écrivain, c'est Jean Giono, menteur comme beaucoup d'écrivains, il n'a jamais rencontré cet homme qui plantait des arbres, mais qu'importe ! L'imaginaire des écrivains est plus immense que nos vies ordinaires et vient les enchanter.
Giono décrit sa rencontre, avant la Grande Guerre, lors de promenades dans la montagne de Lure, avec un berger solitaire qui ramasse dans la journée des glands qu'il replante le soir sur une colline... L'histoire est belle.
Ce sont des collines, des plateaux, jadis couverts d'arbres, aujourd'hui déserts et l'homme a désormais ce rêve, cette oeuvre de tout replanter.
Giono part à la guerre et voilà qu'à son retour une jeune forêt surgit...
La plantation continue, franchit une nouvelle guerre...
Recréer des forêts, faire vivre des vies, renaître des villages... C'est le propos du texte.
Giono dit dans son récit que les arbres apportent l'humidité, irriguent les champs, des villages se repeuplent, des couples viennent, font des enfants.
Ici, c'est un conte avant tout et il faut le prendre comme tel. Mais voilà ! C'est un conte écrit par Jean Giono, écrivain des paysages et des passions humaines, en 1953. L'auteur est connu et la nouvelle sitôt publiée aura une audience...
L'image qu'on a de Jean Giono est à la fois une vision panthéiste du monde et un regard sombre sur l'âme humaine. Je découvre depuis quelques mois l'oeuvre de cet écrivain. Je suis en train de lire actuellement Colline, je découvre ce chant de la terre, à la rencontre de paysans qui découvrent que leur terre parle, pleure, s'émeut, souffre, vit... Jean Giono serait-il plus que jamais d'actualité ?
Ici dans ce récit le héros s'appelle Elzéard Bouffier, c'est un simple berger, mais comme tout berger il aime la terre, celle qu'il foule de ses pas, celle que broutent ses bêtes. C'est un homme taiseux, solitaire, le coeur inondé par les paysages alentours.
Le berger est souvent symbole de la sagesse. Un berger qui plante des arbres de manière presque convulsive, forcément il y a une folie mystique du personnage qui est belle.
Ce récit est la possibilité d'une forêt, ce sont des mots sur des pages de papier qui élèvent des arbres, quelle reconnaissance !
C'est un texte extraordinaire qui a eu un succès fou, il sert de modèle, c'est jusqu'à présent ce que j'ai le moins aimé de l'oeuvre de Jean Giono sur le plan romanesque, il faut dire que ce fut un texte de commande par The Reader's Digest, sur le thème suivant : « quel est le personnage le plus extraordinaire que vous ayez rencontré ». Aussi Giono a inventé ce personnage d'Elzéard Bouffier, lui a inventé une terre sans arbres en Provence, une colline pelée, un endroit où planter des arbres, où accueillir le monde d'une autre manière. Ce sont les mêmes journalistes du Reader's Digest, cherchant quelques années plus tard à rencontrer le fameux Elzéard Bouffier, ou du moins sa famille, qui découvrirent la supercherie et en firent écho. Qu'importe ! Ce furent d'ailleurs quasiment les seuls mots de Giono.
Ce récit nous amène aujourd'hui vers une digression environnementale et plus largement sociétale. Comment changer le monde ? Et comment le changer ensemble ? Cette question nous taraude brusquement depuis des mois alors qu'elle devrait le faire depuis des lustres. Lors du premier confinement, suite à la crise sanitaire que nous connaissons, les réseaux sociaux évoquaient le monde d'avant et le monde d'après, comme si brusquement une prise de conscience allait tout faire changer. Il y avait de magnifiques intentions. Nous savons à présent que le monde d'avant continuera longtemps encore, comme si presque rien ne s'était passé. Cependant, des écrivains comme Giono ont ouvert un chemin.
Inutile d'aller très loin pour replanter des arbres. Il suffit d'aller dans le jardin ou celui du voisin. Ou dans un parc...
Oui, c'est vrai ce récit est basé sur un mensonge, mais ce qui importe c'est sa portée universelle.
Toutes ces montagnes de Lure, qui en font l'univers paysager que chérit Giono, sont restées relativement désertes.
Ce texte écologique est une supercherie mais tout le monde y a cru et tout le monde y croit encore, et c'est ce qui est génial.
Ce qui est merveilleux, c'est que cette imposture a déclenché dans le monde un formidable élan de reboisement. Un courant a émergé. Beaucoup de fondations, des gouvernements, des ONG ont engagé des opérations d'envergure grâce à ce récit.
Tous les enfants aiment planter des arbres. Quel enfant n'a pas eu l'idée un jour de planter une graine dans un sol ? C'est ainsi que, tout gamin, j'avais planté une châtaigne au milieu du jardin familial. Au début, je voulais planter un gland et mon père m'a regardé d'un air dubitatif, presque culpabilisant et m'a dit : « Viens ! » et nous sommes allés aussitôt dans une forêt chercher des châtaignes. Ce fut un moment merveilleux, comme une quête, c'est bête, non ? Adolescent, l'arbre déjà me dépassait, quelle joie !
J'ai déménagé depuis des lustres. Mes parents sont morts, la maison a été revendue il y a bien des années. J'ai peur de revenir sur les lieux de mon enfance, passer ma tête par-dessus les murs et découvrir une pelouse propre sans arbre.
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