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Critique de Pasoa


Pasoa
19 février 2024
Cambouis d'Antoine Emaz fait partie de ces livres rares et précieux qui permettent au lecteur d'entrer dans l'atelier de l'écrivain, du poète. Une lecture passionnante.

Ces carnets d'Antoine Emaz publiés en 2003 aux Editions du Seuil, sont d'une grande richesse, pleins de considérations de l'auteur sur l'écriture, la lecture, la poésie, le rapport au livre et au lecteur (celui qui « fait son oeuvre dans l'oeuvre », « qui clôt le poème »), à la critique, ses influences aussi (Pierre Reverdy et André du Bouchet sont souvent cités), son rapport au temps…
À toutes ses réflexions, Antoine Emaz y mêle son expérience personnelle de l'écriture : les conditions à l'élaboration d'un poème, ses choix concernant son unité, sa base grammaticale, sa cohérence formelle, sa sonorité, l'importance des silences, etc. Tout ce qui constitue l'infra-poétique d'un texte.


« La poésie n'est pas dans les mots, elle est dans le blanc, dans l'air qui circule entre les mots, entre les poèmes, entre les livres, entre les poètes. C'est pour cela qu'on en a une expérience profonde, vitale, sans jamais pouvoir en donner une définition arrêtée. »


Dans plusieurs passages, Antoine Emaz témoigne aussi de ses périodes de production, de tout le temps consacré à l'écriture, à la relecture, à recueillir des avis, à la réécriture,… tout un ensemble de rituels nécessaires, observés jusqu'à trouver - tel un mobile accroché au plafond d'une pièce - la forme la plus stable du poème.


« Économiser les mots permet de les écouter, enfin, pour ce qu'ils ont à dire : ni une pure musique, ni une pure utilité : la poésie, c'est peut-être entendre les mots et leurs marges, aussi bien pour le son que pour le sens. »


En contrepoint au travail d'écriture, le poète confie aussi le doute, le découragement, les moments vides, les semaines qui passent sans pouvoir écrire. Ce temps « vide » ne va cependant pas, selon Antoine Emaz, à l'encontre de celui de l'écriture, il en est un moment constitutif, inséparable. Sa poésie, s'il la devait à des heures de travail quotidien, prenait sa source dans les jours « sans », touchés par la fatigue, le temps insensible.


« Disons que la poésie ne donne pas d'air neuf, elle dit un besoin d'air, et par là elle est espoir, oui, une drôle de forme d'espoir, celui de ne pas se résoudre à ce qui est. »


J'ai vraiment été saisi par la lecture de ce livre d'Antoine Emaz. Elle a été l'occasion pour moi de me rapprocher un peu plus du poète et de son oeuvre faite « de peu », attachante et singulière. Cambouis n'a rien d'un traité théorique, d'un essai didactique, il est le portrait d'un écrivain qui, plusieurs années après sa disparition, parle à coeur ouvert d'une passion contagieuse : la poésie.

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