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Critique de Pancrace


Je m'en suis voulu du plaisir que j'ai pris à larmoyer sur le malheur des autres. Il y a des auteurs qui font éclore des idées exactement vôtres mais que l'on ne pourrait jamais exprimer.
C'est surement ça le talent !

Quelle joie donc de faire la connaissance d'Eugenia, fraiche jeune femme intelligente dans la Roumanie de Juin 40 où l'Allemagne vient d'écraser la Pologne, le Danemark et la France.
Le roi Carol II n'a d'autres choix que d'accepter l'alliance que lui impose Hitler.
En interne depuis 1935 les fascistes des « gardes de fer » rêvent déjà de rendre la Roumanie aux roumains en éliminant l'ensemble des juifs.

D'une puissante charpente historique, les mots forts de Lionel Duroy lèvent pour moi le voile d'une Europe centrale basculant dans l'horreur et ce, soutenu par une romance improbable :
Eugenia est amoureuse de Mihail écrivain et dramaturge juif qui accepte sa condition.
« le sauver du sombre fatalisme dans lequel je le voyais s'enfoncer ».
Elle est également la soeur de Stefan dirigeant des « gardes de fer ».
La famille et la fratrie seront écartelées par ces convictions opposées.

J'ai apprécié le charisme et le dynamisme d'Eugenia, son altruisme et sa force de caractère qui lui permette d'affronter des situations inédites atroces. « Je n'en pouvais plus de devoir décider toute seule, de ne pouvoir compter que sur moi-même dans cette Europe qui semblait être tombée dans la main du diable. »
Cette main du diable sera cuirassée d'une telle haine des juifs qu'elle s'exécutera finalement dans le « pogrom de Jassy ».
Derrière ces mots à la jolie consonance se terrent la férocité et la barbarie. La moitié d'une ville a massacré l'autre. « Ce furent les jours les plus bestiales de l'histoire de l'humanité. »

Eugenia entrera en résistance laissant Mihail végétatif, tapi dans son appartement de Bucarest à écrire son journal, un peu comme s'il écrivait pour se taire. Ecrire pour ne pas mourir !
Lionel Duroy m'a littéralement embarqué dans le destin de l'Europe, d'un pays tourmenté,
d'un peuple roumain exsangue s'interrogeant : « Qu'étions nous allés faire jusqu'à Stalingrad quand nous roumains avions pour seule ambition de récupérer la Bessarabie et la petite Bucovine ? »

Ce commentaire parait bien mièvre comparé à la densité et au foisonnement d'idées de ce texte brillant notamment sur les suites du pogrom où Eugenia se demandera pourquoi après avoir relaté les faits, n'étions nous pas allé voir celui qui a tué toute une famille à la hache, ses voisins, alors qu'il les saluait chaque matin ?

« Ce qui fait la beauté d'Eugenia, c'est qu'elle n'en a aucune conscience. »
Je ne t'oublierai jamais, tu t'es battu pour ton pays, tes idéaux, ta famille, ton amour.
Pour revenir vers toi, il suffira que je prenne ce livre dans mes mains, compact, il se pliera à peine sous l'épaisseur des feuillets, que je ferme les yeux et tu seras là, à arpenter les rues de Jassy ou de Bucarest pour sauver du péril l'humanité, ton humanité.
Dansent les ombres du monde…
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