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Critique de ODP31


Tuer le père en trois leçons.
Après les écrits de Freud, Camus et Zweig sur ce roman, il était important qu'ODP vienne un peu baisser le niveau.
Le psy rêveur à barbe a qualifié l'auteur des Frères Karamazov de névrosé, bisexuel refoulé épileptique dans une préface dont j'ai compris une phrase sur trois. le copain de Sartre et des platanes (désolé) a de son côté (passager) puisé dans ce monument de 950 pages la genèse de « l'Homme révolté », celui qui dit toujours non. Enfin, le grand biographe des vedettes à ombrelles (et éventails) ou rouflaquettes sortait de chez Jardiland quand il compara sans emphase les personnages Dostoïevski à « des géants de la forêt, bruissants et vivants, dont les cimes touchent le ciel, tandis que par des milliers de filaments nerveux ils prennent racine dans le sol de l'épopée et que leur réseau sanguin se ramifie à travers des milliers de pages ». Il avait la chlorophylle poétique entre deux nouvelles de héros suicidés. Avec son meurtre aux circonstances mystérieuses, son enquête et son procès théâtralisé, Les Frères Karamazov suit la trame d'un roman policier. Fiodor Karamazov, la victime, n'a pas volé son sort d'homicidé. Être détestable, il a plumé et rendu folles ses deux épouses et il n'a pas une once d'affection pour ses trois fils : Aliocha (ou Alexis selon les pages), le benjamin, le saint du roman qui consacre sa vie à la religion et à répandre le bien autour de lui, le cadet Dimitri (Mitia pour les intimes), fêtard romantique, panier percé en dette d'affection et Ivan, aîné cultivé qui cultive son nihilisme. Cette progéniture légitime, complétée par un bâtard envieux et épileptique, au nom de bousin, Smerdiakov, a toutes les raisons d'hâter la succession. Dimitri ne cache pas sa détestation pour ce vieux qui lui refuse sa part d'héritage et qui convoite l'élue de son coeur ardent.
Si ce roman est un monument de la littérature, c'est qu'il explore avec génie les questions existentielles de tous ses personnages autour de la foi, de la liberté, du mal et du libre-arbitre (non, pas celui qui fait appel à la VAR, amis footeux).
Certains passages, et notamment celui consacré au poème d'Ivan, « le Grand Inquisiteur », sont incandescents et inflammables. Je vous le résume à ma sauce. La foi reposant sur la liberté de croire sans preuve, la résurrection du Christ tant attendue survient à Séville en pleine inquisition, barbecues d'infidèles et planchas de fornicateurs. Après quelques miracles recyclés des évangiles, le Grand Inquisiteur décide de brûler l'ancien crucifié (pas étonnant qu'il se fasse attendre quand on voit comme il est reçu !) en toute connaissance de cause, pour qu'il ne prive pas l'homme du doute, de l'espoir et de la possibilité de choisir entre le bien et le mal. Sans Dieu, il n'y a plus de frontières entre le bien et le mal. Avec, comment lui pardonner nos souffrances et accepter la justice des hommes ? Les absents n'ont pas toujours tort.
J'ai bien mis deux cents pages et une bonne partie de mes fêtes de fin d'année à rentrer dans le roman tant les digressions morales et la présentation des personnages m'ont parfois demandé une endurance de moine copiste, dont j'ai déjà hélas la coupe, et une patience de pêcheur face à mon impatience de pécheur. La suite du roman est une expérience de lecture assez unique par la richesse des personnages et des dialogues qui portent la narration à un niveau de quasi perfection.
Dernier roman de Dostoïevski, auteur avec qui il ne faut pas compter ses heures, il ne me reste plus qu'à remonter le temps de sa bibliographie.
Incontournable.




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