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Critique de larmordbm



Des visages ronds, plats, lunaires, des centaines de visages de face qui nous regardent, droit dans les yeux. Les regards sont intenses, directs. Que cherchent-ils ces yeux ? Vers quelle immensité sont-ils tournés ? Beaucoup sont des autoportraits. Paula Modersohn-Becker s'est reproduite sur la toile à de très nombreuses reprises, offrant son drôle de petit visage enfantin comme autant de déclinaisons stylistiques. Quelle quête artistique et intime l'animait-elle ? Des portraits de femmes pour la plupart d'entre eux, jeunes ou vieilles parfois, des enfants, des mères avec des bébés, des femmes enceintes. Elle sera la première femme à se peindre nue.
Paula Modersohn-Becker peint la féminité, une féminité lumineuse, brute, sans emphase, sans discours. Elle va à l'essentiel, au travers d'un jeu de couleurs posées à plat, de formes simples, cloisonnées par un trait marqué. Les influences sont perceptibles, au fil de l'évolution des compositions, l'expressionnisme, Gauguin, Cézanne, la peinture des Nabis, l'art japonais, le cubisme. Elle semble faire la synthèse de l'ensemble des courants artistiques du début du XXème siècle.
L'émotion nous étreint à la lecture du livre de Marie Darrieussecq, l'émotion engendrée par la démarche de l'autrice qui fait le choix de porter à notre connaissance l'existence et l'oeuvre de cette pionnière, reconnue en Allemagne mais ignorée en France, et de participer à l'organisation de sa première exposition à Paris - là où elle fit plusieurs séjours et où elle a peint résolument dans des conditions précaires -, l'émotion déclenchée par la trajectoire de cette jeune femme qui se bat contre les préjugés et le classicisme de l'époque pour aller au bout de son projet mais qui ne connaîtra aucun succès puisqu'elle ne vendra que trois tableaux, et enfin celle qui nous fait chavirer lorsque nous apprenons sa fin tragique à l'âge de trente-et-un an, après un accouchement difficile.
Paula Modersohn-Becker aura vécu au sein de la communauté d'artistes de Worpswede en Basse-Saxe, où elle y rencontre son futur mari, le peintre veuf Otto Modersohn, ainsi que le poète Rainer Maria Rilke, avec qui elle entretient des liens d'amitié. Elle fait un premier séjour en Angleterre puis plusieurs à Paris, où elle travaille sans relâche et rencontre de nombreux confrères. Malgré l'anonymat dans lequel elle évolue et le peu de retours qu'elle reçoit, elle ne se départit jamais de sa tâche et de son objectif. Elle ne connaîtra de son vivant, ni reconnaissance, y compris de son mari, ni assurance, et son talent ne sera découvert qu'après sa mort.
Une oeuvre singulière et magnifique à découvrir grâce à l'ardente biographie que lui a consacré Marie Darrieussecq à partir de son journal et de sa correspondance.
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