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Critique de EvlyneLeraut


« Challah la danse »
Un lâcher de crayons de couleur !
Pétillant, vivifiant, il était une fois, une histoire plausible, un film à ciel ouvert, Chemin des brigands où tout commence dès l'aurore.
On imagine la lecture à voix haute. On pourrait fermer les yeux et se laisser glisser dans le charme des mots. Vivre nous aussi au plus près de ces familles, venues qui du Maghreb, de la Tunisie, de l'Algérie, de la Kabylie, etc.
L'immersion fait envie, rend jaloux, le modèle d'intégration souverain, tous liés dans le gué des sourires, des recettes nostalgiques, jusqu'aux senteurs ensoleillées.
Les galopades des enfants, les maisons alignées entre fièvre et attente, une carte postale d'un temps, pas si lointain, au nord de Lyon.
Un lotissement qui s'éveille, prend place et devient un microcosme d'entraide, d'habitus, de valeurs et d'aléas aussi.
L'usine Brocard frères, le tissage pour adage. Un patron attentif et humaniste qui fait construire des logements mitoyens, certes éloignés des normes actuelles, pour ses employés. Offrir un toit, les sentir près de lui. Ce n'est pas pour former une communauté. Mais bien pour ouvrir leurs ailes envers le métissage et un vivre-ensemble exemplaire.
Quand bien même le lotissement est l'idiosyncrasie d'une micro-société, et surtout celui où les immigrés étaient bien plus qu'aujourd'hui aimés et reconnus. La nostalgie serre le coeur du lecteur. Il faut rester ancré dans cette période et ne pas comparer avec l'heure si cruelle d'aujourd'hui.
Ce livre immense et magnifique, les fiançailles de la vie-même est, sous ses airs d'anecdotes, de faits, de descriptions et de sentiments, finement politique et sociologique.
« Lallah n'avait pas tout quitté, ni sacrifié ses élans, pour faire de ses cinq enfants des âmes perdues. »
Les Benbassa, épicentre de ces longères où s'agite une éducation d'ubiquité, des enfants lianes. On ressent la fulgurance de la dualité, ce qui fut reste et la dignité est la rectitude.
« Challah qu'elle danse aujourd'hui, espérait-elle. », Matoub Lounès dans le radio K7.
Et ici, danse et chante ce qui fait respirer au quotidien cette farandole de maisons où d'aucun entend ce qui se passe chez le voisin.
Cette plongée, souvent en grand plan, est d'une saveur exquise.
L'écriture est la marée-basse, douce et conteuse, on voudrait rester ainsi longtemps dans ce cercle d'épiphanie.
« Elle songea à la plage de Ghedamsi, où chaque année elle refusait le défi que lui lançaient ses cousins, de sauter du haut des falaises. »
En 1996, c'est la fin de l'usine Brocard Frères. La mondialisation a frappé.
« Le Village a perdu une partie de son histoire et de son âme. » « In ne reste plus que les murs de l'usine. C'est la fin de notre monde, lâcha Armand Kechichian, petit bonhomme de soixante-cinq ans, tassé sous son chapeau. »
Un patron attentif, profondément humain, l'Arménie en ses regards, empreinte de rémanence.
Ces chroniques, séquences et madeleines de Proust, sont poignantes. On ne peut atteindre le point final sans étreindre cette part d'universalité qui réveille nos compassions endormies. On attend la suite, savoir le devenir, dans cet après qui nous ressemble.
Ici, s'élève la noria d'oiseaux migrateurs en plein ciel. Les drames murailles aussi et la ferveur du lien. La cartographie d'un lieu qui écarte ses bras vers le monde et garde pour lui la terre-mère sous ses pas.
« Quand les enfants partirent du village, Hassan leur prescrivit de ne pas oublier leurs origines mais, avec le temps et la façon de leur père de si bien composer, ils ne surent pas s'il parlait de l'Algérie ou du lotissement. »
Saluons la photo de la première de couverture de Doug DuBois, absolument expressive.
Ce premier roman de Dalya Daoud est la prodigalité. Haut les coeurs !
Publié par les majeures Éditions Le Nouvel Attila.
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