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Critique de Fandol


Fandol
15 décembre 2023
Rentrée littéraire 2023.

Impressionnant, émouvant, révoltant, captivant… les mots me manquent pour qualifier le nouveau roman de Sorj Chalandon, roman hors normes, une fois de plus.
Pourtant, cet écrivain m'avait déjà emballé avec Une promesse, Mon traitre, La légende de nos pères, Retour à Killybegs, Profession du père, le jour d'avant, Une joie féroce, Enfant de salaud et le Quatrième mur. Avec l'enragé, il me fait encore « partager un sac de pierres » comme il me l'avait confié lors d'une Fête du livre à Saint-Étienne, tellement ce qu'il raconte avec un coeur énorme, est fort.
Le narrateur dit s'appeler « La Teigne » mais refuse qu'on le nomme ainsi. Il a 18 ans et il est enfermé dans ce que l'on osait appeler une « colonie », même si le mot pénitentiaire qui suivait modifiait un peu le sens d'un mot qui évoquait autrefois les vacances à la mer ou la montagne.
Jeune homme enfermé avec beaucoup d'autres dans ce bagne installé sur Belle-île-en-mer, il refuse d'être traité comme un objet, rue dans les brancards, saute sur un surveillant particulièrement odieux et reçoit coups et blessures avant d'être menotté.
Cette Colonie pénitentiaire est une Maison d'éducation surveillée dont les gardiens veulent être appelés moniteurs mais appliquent punitions, coups, corrections, corvées, supplices, privations de nourriture et de boisson. Ils sont sur une île et l'océan est le gardien le plus cruel car il ôte tout espoir d'évasion. de plus, ces garçons sont employés dans des travaux maritimes ou agricoles et c'est la colonie qui touche leurs salaires. Il faudrait ajouter quantité de détails qui donnent les frissons car il ne faut pas oublier que nous ne sommes pas au Moyen-Âge mais entre les deux guerres mondiales et que cet « établissement » n'a été fermé qu'en 1977 !
Le narrateur dit s'appeler Jules Bonneau mais rien à voir avec le célèbre anarchiste et criminel et sa bande… Pour permettre de cerner davantage son personnage, Sorj Chalandon retrace son enfance et toutes les vexations, les privations subies causant une colère rentrée, prête à exploser. Seul lui reste le souvenir de sa mère partie alors qu'il n'avait que 5 ans : ce ruban gris perle qu'il conserve à son poignet.
La tension est déjà à son comble mais augmente encore car Sorj Chalandon m'emporte, avec son écriture percutante, précise, efficace, dans une histoire qui me fait trembler à chaque page, me poussant à aller toujours plus loin pour découvrir toute l'horreur d'une société qui se dit bien-pensante mais qui est prête à se lancer dans une chasse à l'homme des plus révoltantes après l'évasion de cinquante-six « pensionnaires ».
Heureusement, la pêche à la sardine apporte un peu d'air frais grâce à Ronan Kadarn et son équipage. Mais que c'est flippant ! de plus, voilà les Croix-de-Feu, organisation nationaliste, fasciste et cette Citroën jaune qui attirent Jules voulant en savoir plus sur ces gens. Quelle tension !
Enfin, je ne peux passer sous silence la lutte de cette infirmière pour les femmes voulant avorter et qui prend tous les risques dans une société pas vraiment prête à accepter cela. Là encore, Jules veut savoir, veut comprendre et l'auteur fait preuve de beaucoup de psychologie sans nuire au suspense qui est total jusqu'au bout alors qu'un poète intrigue beaucoup et se révèlera être Jacques Prévert qui écrit « Chasse à l'enfant » :
« …Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant
Pour chasser l'enfant pas besoin de permis
Tous les braves gens s'y sont mis… »
l'enragé est un roman prenant, haletant, basé sur une réalité historique et Sorj Chalandon, qui a déjà fait partager tous les tourments de son enfance y a mis une bonne part de son vécu tout en prouvant, une fois de plus, un talent littéraire affirmé et un sens du récit impressionnant.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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