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Critique de BurjBabil


Merci à Babelio et aux éditions L'Harmattan pour l'octroi de ce livre au contenu assez subversif. Gageons qu'il sera peu distribué, peu vendu, peu commenté...
Pourquoi tant de pessimisme ? Par réalisme ; on n'aime pas trop, en France comme ailleurs, contempler ses contradictions, ses turpitudes. Humain, trop humain comme dirait le philosophe...
Ce livre est une dystopie immédiate, une dystopie de demain... Pas de grande révolution technologique, pas de nouveaux systèmes politiques ou religieux à découvrir : le roman n'utilise que du matériel connu et éprouvé. Certes, l'auteur pousse un peu l'utilisation de technologies à leur paroxysme, notamment avec les drones, mais rien de vraiment exagéré, on reste dans la dystopie technologiquement crédible.
On peut grossièrement découper le roman en deux parties, de contenu et d'intérêt inégaux. La première, après une présentation hâtive du contexte politique européen est presque un thriller consistant pour notre héros et une famille ivoirienne à traverser une partie du continent Africain pour « remonter » vers la terre promise européenne. On devine un peu l'accentuation de la pression climatique qui touche les pays du Sud, sans en faire une catastrophe déjà insurmontable. Elle est juste suggérée, à la limite de notre perception, c'est réussi. C'est la partie qui prend aux tripes. Car elle nous dresse un tableau franchement nauséabond du fonctionnement de notre petite planète. Les migrants, les passeurs, les racistes, les systèmes politiques fascistes dans leur essence, l'abject du quotidien déjà en place poussé à son paroxysme, c'est dans la position du curseur que se situe la dystopie, pas dans le fond. Et c'est justement cela qui met très mal à l'aise. Pour mémoire le HCR (Haut-commissariat aux réfugiés) comptabilisait plus de 2 500 personnes « mortes ou disparues » de Janvier à Septembre 2023 en méditerranée... Et dans ce roman, on touche du doigt la réalité des morts avant cette étape, presque jamais mentionnés. Pire encore, on est plongé dans l'abject du sort réservé aux plus faibles, femmes et enfants. le viol systématique. Dès qu'un rapport de dépendance, de domination se met en place... humain, trop humain...
Vient ensuite la partie plus politique. J'ai moins aimé, pour beaucoup de raisons. En premier lieu parce que cette dystopie étant proche (2028-2037), l'auteur mêle des figures politico-médiatiques réelles à d'autres dont on se demande qui elles sont censés incarner... Facile de reconnaître le premier ministre Frédéric Roummaz, un peu moins l'opposante Mélanie Traoré... Battaglia à l'intérieur, facile mais qui est Jaime Balaguer le catalan ? Un réalisateur entrant demain en politique ? Mystère...
Pareil pour les partis. Facile d'imaginer un parti de droite, le FPF (dont j'ai oublié la signification) regroupant le RN actuel, le LR actuel et d'autres sous-catégories affiliées (Renaissance, Renouveau, Ressuscitation, Ré ensoleillement etc.…) mais difficile d'imaginer un Molip (Mouvement de Libération des Peuples) transnational comme il se doit pour faire pendant au premier. C'est peut-être pour cela qu'il est plus facile de retrouver les figures du FPF dans le paysage politique actuel que ceux du Molip... Pareil pour les médiatiques : on connaît Hanouna à droite, mais qui est Richard Halter ?
Ici, ce qui m'a le plus gêné est l'ostensible parti pris de l'auteur et le manque de distance avec ses opinions politiques. On les devine toujours un peu mais dans ce roman, c'en est presque pamphlétaire. Que l'un des protagonistes cités plus haut soit dénommé « le rat » (je vous laisse deviner lequel) par ses détracteurs romanesques est une chose, mais l'auteur s'approprie cette dénomination ce qui brouille les genres. Est-ce un roman ou une fable politique contemporaine ?
Quand vient en fin d'ouvrage la liste des soutiens au Molip, puisés dans le vivier des grands démocrates et artistes contemporains, on se demande s'il s'agit du panthéon de l'auteur ou le fruit d'une analyse sérieuse. Même Guillaume Meurice, pourtant peu suspect d'avoir des accointances avec le racisme et la xénophobie a le droit à son petit paragraphe peu amène.
A trop vouloir dénoncer l'insupportable, on peut vite se laisser emporter...
Deuxième réserve : l'optimisme dépassé de l'auteur quant à la prise de conscience populaire au sujet des drames humains qui nous entourent. Il semble croire en la possibilité d'un sursaut humaniste comme l'humanité en a produit parfois dans l'histoire. D'une certaine manière, c'est analogue à ce qu'un Jancovici imagine dans le champ de notre consommation énergétique. A eux deux (et quelques-uns de plus, une minorité) ils imaginent un monde gouverné par des altruistes démocrates et construisant un monde écologiquement vertueux. Belle utopie.
D'une certaine manière, le seul espoir que laisse la lecture de ce roman vient de la nécessité d'une quantité phénoménale d'énergie nécessaire à la réalisation du « traité de Faro » dont j'ai peu parlé mais qu'on imagine un peu si on m'a lu jusqu'ici. Construire une zone tampon anti-immigration couvrant le Maghreb muni de système de surveillance, de répression, d'élimination des « cafards » migrants est certes un rêve de délocalisation très tentante pour tous les néofascistes désignés par l'auteur. Mais cela nécessite une telle dépense d'énergie que, si l'on ne croit pas à la possibilité d'une amélioration de notre part d'humanité collective, il reste la possibilité sérieuse d'un effondrement énergétique nous renvoyant au moyen-âge. Plutôt mort que voir le traité de Faro. Dont les prémices ont inspiré l'auteur. Humains trop humains...
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